« J’ai traversé la France à vélo avec ma fille sur les traces de ma grand-mère »

Française installée en Californie depuis 10 ans, la photographe Bénédicte Lassalle a une passion pour les grands espaces, dont elle capture la beauté sans relâche avec son appareil. Son dernier projet ? Une traversée de la France à vélo avec Lila, sa fille de 13 ans, sur les traces de sa grand-mère qui a fui l’Allemagne nazie en 1940, à vélo elle aussi. Pour ce projet un peu fou qui mêle petite et grande histoire, Bénédicte s’est replongée dans les souvenirs de sa famille et a documenté ses 10 jours de voyage à travers de centaines de clichés, de la Normandie à Brive-la-Gaillarde. Rencontre, avec la complicité de VAUDE, la marque d’outdoor qui a équipé Bénédicte et Lila pour ce périple mère-fille sur les traces de l’histoire.

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Bénédicte, tu es photographe, tu vis aux États-Unis depuis 13 ans, et tu es installée à Oakland en Californie depuis 10 ans avec ta famille. Comment t’est venue l’idée de cette traversée de la France à vélo avec ta fille ?

C’est un concours de circonstances ! Ma fille cherchait une histoire personnelle à raconter pour son concours d’entrée au collège, option littérature. Au détour d’une conversation avec ma mère, cette dernière a évoqué l’histoire de sa propre mère, institutrice en Normandie, qui avait fui son village en 1940 à vélo pour rejoindre sa famille dans le sud de la France. Je n’avais jamais entendu cette histoire ! Je l’ai gardée en tête un bout de temps, avant d’avoir envie de m’en saisir. Petit à petit est né le projet de reproduire le voyage à vélo réalisé par ma grand-mère il y a 80 ans.

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Comment as-tu retracé le parcours de ta grand-mère ? Vous aviez des archives familiales à disposition ?

La seule véritable trace que l’on a, c’est un dessin fait par ma grand-mère en 1942 du vélo qu’elle a utilisé pour ce voyage. On n’a rien trouvé de plus ! Mais en recoupant les informations et les souvenirs de mes oncles et tantes, j’ai appris qu’elle était partie en mai 1940 : elle était alors professeure des écoles dans un petit village en Normandie, à Verneuil-sur-Avre. Elle était seule, son mari parti au front et son fils confié à ses grands-parents à Brive-la-Gaillarde : la France est alors coupée en deux, le nord occupé par les Allemands, le sud encore libre.

Un matin, le directeur de l’école ne vient pas : elle comprend alors qu’il est parti sans prévenir et qu’il est temps pour elle aussi de quitter le village. Elle rejoint le grand exode, celui qui a vu des millions de Français mais aussi d’Européens du nord (Belgique, Pays-Bas) fuir l’Allemagne nazie en partant vers le sud. Ma grand-mère est partie à vélo en compagnie d’une amie, qui avait une tente pour les héberger durant ce long périple. Au total, elle aura parcouru plus de 600 km pour rejoindre Brive et sa famille.

Comment as-tu préparé ce voyage ?

Il a été évident dès le départ que je le ferais avec ma fille. On habite aux États-Unis, ma fille connaît mal la France, c’était aussi l’occasion pour moi de lui montrer notre pays, de voyager différemment, de prendre notre temps, de découvrir des paysages et une culture. Et puis mon frère et ma nièce se sont greffés à l’aventure à la dernière minute. C’est devenu un vrai projet familial !

Cela nous a pris un an pour tout organiser : on a cherché des sponsors pour le voyage. Nous voulions que ce projet porte les valeurs de liberté, de dépassement de soi, de famille et de transmission. Nous avons eu la chance d’être accompagnés par la marque VAUDE qui nous a équipés pour cette aventure.

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Vous êtes arrivés en train en Normandie, votre point de départ, avec tout votre matériel. Et le 11 juillet 2022, vous avez démarré votre périple. Comment se sont passés les premiers jours de l’aventure ?

Nous avions planifié un voyage sur 11 jours, avec environ 50 kilomètres à parcourir par jour. Les débuts ont été très durs : nous étions en pleine canicule, c’était invivable à vélo, nous étions épuisés et franchement découragés. Mais au bout du troisième jour, nous avons décidé de changer de rythme et de nous adapter : nous nous levions plus tôt, à 6h pour partir à 7h et nous finissions la journée de trajet à midi. Nous avons ajusté nos points de chute au fil des jours, en fonction des étapes.

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Y a-t-il eu des étapes plus émouvantes que d’autres au fil du voyage ?

Oui, après 3 jours, quand on a traversé la Loire : c’était un moment très fort, une vraie étape symbolique dans ce périple. On a traversé le fleuve un matin très tôt, sous une lumière magnifique.

Au fil des jours, on raccrochait aussi notre expérience à celle de ma grand-mère. On se surprenait à chercher des indices : par exemple, on s’arrêtait régulièrement chez des gens pour demander de l’eau, et on se demandait comment elle avait fait, pour boire, se nourrir, trouver son chemin. On s’est beaucoup raccroché à ça et aux traces du passé tandis qu’on se motivait pour avancer.

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Vous avez pris des centaines de clichés pendant ce voyage. Comment aviez-vous imaginé ce projet photo ?

Je n’avais pas d’idée en particulier. J’aime beaucoup photographier les paysages, mais je voulais aussi raconter une histoire cette fois, celle de notre voyage à quatre. J’ai donc eu envie de documenter le plus possible les différentes étapes. J’ai pris beaucoup de photos depuis mon vélo, et aussi des séries de petites vidéos à poster sur mon compte Instagram.

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Qu’avez-vous ressenti à l’arrivée ?

Nous ne connaissons pas l’adresse précise des grands-parents de ma grand-mère, alors nous nous étions fixé comme point d’arrivée un hôtel à côté de Brive. Et finalement, on a tenu notre planning et sommes arrivés à destination en 11 jours.

Mon mari et ma belle-sœur nous attendaient sur place et quand nous avons posé nos vélos nous étions tous très émus, il y a eu des larmes, de la fierté aussi d’avoir parcouru ces 600 km, nous étions particulièrement fiers de ma fille et de ma nièce.

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Qu’est-ce que cette expérience t’a apporté ?

J’en retire la beauté de l’expérience collective ! On en a vraiment bavé à cause des températures, il y avait aussi les pollens qu’on respirait et auxquels ma fille est allergique, la fumée du grand incendie des Landes qui n’a pas facilité l’étape… On a souvent eu la tentation d’abandonner, mais on s’est accroché et on s’est soutenu les uns les autres. C’était une belle aventure humaine. Et ça m’a donné envie de recommencer !

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Réalisation : VAUDE x Les Louves
Crédit photos : Bénédicte Lassalle

Retrouvez tous les détails de du périple de Bénédicte et Lila sur le blog de VAUDE