Sexe et désir après un bébé : comment continuer à nourrir son couple ?

Avant d’avoir des enfants, on se promet que l’on fera tout pour se préserver du petit ouragan que représente l’arrivée d’un bébé dans une vie de couple. Une fois que la famille s’est agrandie, l’équilibre trouvé à deux vacille facilement et l’intimité du couple se retrouve mise à mal. Parce que chaque naissance est un challenge pour notre sexualité, notre corps et notre désir, on a posé toutes nos questions à la sexothérapeute Flavie Taisne.

Peux-tu te présenter ? 

Je m’appelle Flavie, j’ai 33 ans, je suis mariée et maman de 4 enfants, dont des petites jumelles de 2 ans. Dans la première partie de mon parcours professionnel j’ai travaillé en diplomatie culturelle. Puis j’ai eu envie de m’investir dans l’éducation affective et sexuelle des adolescents. En me formant j’ai eu envie d’aller plus loin, d’accompagner chacun dans toutes les étapes de sa vie sentimentale et sexuelle. J’ai trouvé un cursus basé sur la psychologie positive et des thérapies brèves axées sur les solutions. C’est un parcours assez complet qui aborde la sexologie pure et la thérapie conjugale. Pour moi ce métier est une réelle vocation !

C’est quoi le rôle d’une sexothérapeute ?

Le sexothérapeute est là pour accompagner toutes les personnes, seules ou en couple, qui rencontrent une difficulté dans leur affectivité. On s’imagine souvent qu’il faut vraiment avoir une tare énorme, ou une déviance terrible pour avoir besoin de consulter. Mais finalement tout le monde peut avoir besoin d’un conseil, d’un accompagnement, face à une difficulté plus ou moins importante. Que ce soit une baisse de désir, un blocage quelconque, un incident qui empêche d’être pleinement en phase avec son conjoint ou avec soi-même… Je crois qu’il n’est pas grave de consulter, mais au contraire, garder pour soi une difficulté peut finalement conduire à des problèmes plus compliqués à résoudre. Que ce soit en thérapie conjugale ou en sexologie, le plus tôt on consulte, le plus vite on s’en sort. Combien de fois ai-je entendu « non mais c’est trop tard maintenant… » ! Autant éviter d’en arriver là !

 

Quelles sont les questions qui reviennent chez les patients jeunes parents que tu rencontres ?

La plupart du temps quand des couples arrivent en consultation c’est qu’il y a un décalage entre les deux partenaires. L’un peut avoir une demande plus forte, que l’autre ne peut assouvir… Après l’arrivée d’un bébé, il est fréquent que la femme soit moins intéressée par les unions sexuelles. Mais cela peut être aussi un blocage de la part de l’homme, qui va voir chez sa compagne la mère avant tout…

L’arrivée d’un bébé fait partie des phases de la vie où la sexualité est chamboulée. Il faut donc tout à fait se tranquilliser là-dessus. Il ne faut pas sous-estimer ce qu’a vécu le corps de la femme avec la grossesse et l’accouchement, il est normal que celui-ci ait besoin de repos.

Quand l’enfant s’est fait désirer, les unions recherchées exclusivement pour la dimension « procréatrice » peuvent aussi abîmer la communion du couple. L’homme peut se sentir « utilisé » en vue du besoin – naturel – de la femme de devenir mère. Il y a des souffrances qui peuvent s’installer dans l’intimité du couple. Il faut pouvoir les évacuer en douceur…

À quoi ça ressemble la sexualité après un bébé ?

Oh là là… il y a tellement de facteurs à prendre en compte pour répondre à cette question. À quoi ressemblait la sexualité du couple avant le bébé ? Dans quel contexte la grossesse est arrivée ? Comment s’est passée la grossesse ? A-t-il fallu modérer, voire stopper les unions pour une raison X, Y ou Z (médicale, psychologique…) ? Comment s’est passé l’accouchement ? Comment la maternité s’installe ? Comment se passent les premières semaines du bébé ? Comment se passe l’allaitement si la femme a fait ce choix ? Bref il n’y a évidemment pas de réponse toute faite pour cette question. Dans le meilleur des cas, la reprise des unions peut être rapide. Il est évidemment important de s’écouter,d’écouter son corps, mais aussi de faire la place à son homme, à l’intimité, à la tendresse, pour ne pas créer de mauvaises habitudes… J’ai déjà entendu des femmes dire : « Je retarde le rendez-vous post-partum, comme ça j’ai une bonne excuse ! ».

Quelles que soient les réponses aux questions que je viens d’évoquer, plus la tendresse, les câlins, les baisers auront été présents dans le couple, plus il sera facile de retrouver le chemin d’une belle sexualité. Parfois même plus épanouie, car l’entrée dans la maternité peut apporter une maturité et une confiance à la femme qui sont des clefs pour une sexualité heureuse.

C’est grave, si on n’a pas envie de faire l’amour ?

Je dis toujours, tant qu’il y a « l’envie d’avoir envie », nous sommes sauvés ! Une baisse de libido après un accouchement compliqué, avec un bébé qui pleure beaucoup, des nuits hachurées… C’est tellement normal ! Cela fait partie des périodes exceptionnelles de la vie où la dimension d’amante est un peu reléguée… Ne pas se mettre la pression, mettre ce temps de pause sur le plan sexuel pour nourrir les autres dimensions de notre couple. Passer des moments privilégiés à deux, avec les carnets SYLD par exemple ! En tous cas, pas de panique, il y a des moyens de retrouver la fougue. Avec beaucoup de communication, de la tendresse et un petit coup de pouce parfois…

Comment faire si le sexe devient un sujet de dispute dans le couple ?

Souvent lors d’un conflit, le déclencheur n’est que l’arbre qui cache la forêt. Il faut donc réussir à trouver un moment apaisé pour regarder quel est le problème de fond. Que chacun réfléchisse au besoin non assouvi que cela manifeste : besoin de tendresse, besoin de reconnaissance, besoin de temps à deux, besoin de se sentir aimé… Une fois que ces besoins ont été exprimés, réfléchissons à comment l’autre peut y répondre. Quand chacun se sent écouté… Il est plus disposé à se donner !

Et comment garder le lien sans sexe ? Quels sont les palliatifs ? 

Déjà la règle numéro 1 : ON NE FAIT PAS CHAMBRE À PART ! « Oui mais elle ronfle quand elle est enceinte », « Oui mais le bébé me réveille et moi je bosse demain »… Je ne veux rien savoir. On investit dans des boules Quiès et on reste dans le lit conjugal ! Déjà parce que d’un point de vue strictement physiologique, deux corps qui restent proches développent des phéromones qui vont ensuite déclencher des hormones d’attachement et donc rien qu’en dormant ensemble on favorise le lien sans effort. Si en plus vous dormez nus c’est le graal !

Ensuite, essayer de se réserver chaque jour un temps à deux. Même s’il est court, pour maintenir la dimension conjugale au milieu du tsunami familial/parental ! Si les soirées sont pas mal perturbées par les pleurs du soir, pourquoi ne pas se lever plus tôt pour prendre le petit déjeuner en tête-à-tête. Ou profiter du congé maternité pour aller se faire une pause déjeuner en amoureux pendant que le bébé s’est endormi dans le landau…

À vous de trouver le moment qui convient le mieux à votre couple. Si ce rendez-vous quotidien est difficile à mettre en place, essayez de prendre un temps plus long le week-end. Ce qui est important c’est de nourrir le lien. Cela va très vite de se détacher quand on n’y fait pas attention. Quand on ne communique plus la distance s’installe entre les conjoints et c’est le début des plus gros problèmes. Alors on s’écrit des mots doux, on s’envoie des sms, des mails, des petites photos (et pas que de votre bébé bien sûr !).

Et le top du top, quand vous vous sentez prêts tous les deux … Prendre un week-end en amoureux.

On découvre aussi son corps sous un nouvel angle après la grossesse (prise de poids, douleurs, mais aussi puissance de l’accouchement par exemple) : quel impact ça a sur notre vie sexuelle ?

C’est une excellente question car le point crucial d’une sexualité épanouie, c’est l’image corporelle qu’on a de soi. Et cela n’a rien à voir avec notre poids et notre tour de taille ou nos vergetures, mais comment nous habitons notre corps. Le but c’est d’être dans l’esprit « belle toute nue ». Ce qui fait vibrer un homme ce n’est pas seulement des seins fermes et des fesses rebondies, mais une femme fière de son corps, avec son histoire, les marques laissées par la vie. Mon conseil : bichonnez-vous. Bichonnez ce corps d’héroïne qui a donné la vie. Enduisez-vous d’huile et de crème en pensant à chaque centimètre carré de votre peau… Postez-vous face au miroir et apprenez à aimer ce corps imparfait et pourtant parfaitement fait pour donner la vie et pour aimer. C’est ce regard bienveillant sur votre corps qui vous mènera au retour des unions avec votre conjoint. C’est ce corps que vous aimerez que vous pourrez donner et laisser aimer.

Certaines femmes peuvent avoir du mal à combiner leur image de mère avec celle d’une femme active sexuellement : comment réconcilier ces différentes parties de nous ?

C’est pourtant le sexe qui les a rendues mères ! Tout est lié. Dans le corps même de la femme, le vagin est le lieu de la réception et de l’expulsion. Il y a une unité entre ces deux dimensions. Toute femme a été amante avant d’être mère. L’amante est donc première !

Comment faire de la place à son conjoint dans la relation fusionnelle que l’on peut avoir les premiers mois avec son bébé ?

Certes le lien entre la mère et l’enfant est unique et ayant fait « un » pendant 9 mois, les premiers temps de la vie de l’enfant il est naturel que cet état de fusion perdure. L’enfant est tellement habitué à sa mère, à son odeur, que cela a sur lui un effet apaisant qui peut être désarmant pour le papa impuissant. Mon prof de thérapie conjugale conseillait qu’au moment de la naissance l’enfant soit tout de suite posé sur son papa pour créer son empreinte olfactive, la mère ayant eu 9 mois pour le faire. Je trouve cela très beau. Quand on pense qu’il y a seulement deux générations les papas n’étaient pas admis en salle de naissance… Les pères d’aujourd’hui prennent beaucoup plus de place dans les soins des nouveau-nés et cela devient donc un travail d’équipe. Et est-ce que ce n’est pas ça un couple, une équipe qui prend part ensemble à tout ce que la vie leur apporte ? À chaque équipe de se répartir les rôles, selon leur fonctionnement.

Et puis, comme je le disais tout à l’heure : dormir ensemble. Un enfant qui chasse le père du lit conjugal, ça n’est pas de très bon augure.

Et beaucoup parler. Des situations pratico-pratiques : est-ce qu’on installe un berceau dans notre chambre ? Est-ce qu’on le laisse dans le salon ? De nos émotions aussi. Et avec l’arrivée d’un enfant il y en a beaucoup. Cela peut être très déroutant, donc plus on en parle, plus on exprime ses besoins, plus cela fluidifiera la relation qui est toujours chamboulée par l’arrivée d’un enfant. On parle de nos rêves, de nos projets à court, moyen et long terme… Et puis si on est prêt… On fait l’amour !

Retrouvez le site de Flavie Taisne : https://www.flavietaisne.com