Déprime, fatigue, peurs : faire tomber les tabous de la grossesse 

Extraordinaire chamboulement hormonal, physique et psychologique : la grossesse s’accompagne pour chacune de son lot de déprimes passagères, changements d’humeur et autres coups de fatigue… Pour vivre au mieux ces montagnes russes physiques et émotionnelles, et se préparer à son nouveau rôle de maman, on a posé nos questions sans tabou à Barbara van Vlamertynghe, consultante en périnatalité.

Quelles sont les plus grandes craintes des futures mamans que tu accompagnes ?

Elles ont peur de perdre leur bébé, de la trisomie ou de toute autre malformation, de la révélation du sexe de leur enfant, de l’accouchement, de l’arrêt du travail…

Quels sont les petits/grands maux que rencontrent le plus souvent les futures mamans ?

La liste est longue : nausées, œdèmes, fatigue, perte de la libido, fragilité, montagnes russes émotionnelles, douleurs aux dos, jambes, seins, les vergetures, les changements physiques, la prise de poids, les boutons, les démangeaisons… Mais pour moi, chaque douleur psychique est plus intense que les petits bobos de la grossesse. Apporter une réelle considération à celles-ci permet de rassurer la future maman et de l’installer confortablement dans sa grossesse. Et parfois un petit coup de pied aux fesses peut être nécessaire !

Quel est le rôle des hormones pendant la grossesse ? Comment pallier les effets des hormones ? La fatigue ? Les sautes d’humeur ?

L’hormone de la grossesse est la progestérone et elle nous met au ralenti autant qu’elle protège la grossesse (fatigue, constipation, ralentissement psycho moteur, retour veineux…). Notre corps se modifie aussi vite que nos pensées. C’est vertigineux. Il faut l’accepter, faire le dos rond. Comme je dis souvent, ça fait partie du cadeau de la vie et l’accepter dans sa totalité aide beaucoup. Ne pas lutter, ne pas se faire de mal inutilement, ne pas porter sur soi un jugement trop lourd. Le premier trimestre est certes difficile, le second nous emporte dans un tourbillon de joie et d’envies. Il faut en profiter avant l’arrivée des 3 derniers mois.
Il est important de toujours donner du sens aux sautes d’humeur car derrière la colère et la tristesse se cachent parfois de grandes peurs. Les entendre, les comprendre c’est déjà les apprivoiser et donc les dompter. C’est valable aussi pour l’accouchement : il faut accompagner les douleurs, les questions et ne jamais lutter contre ou vouloir les rendre sourdes. Dire ses craintes c’est presque les éradiquer.

Comment accompagner sereinement les modifications de son corps ? Et de son esprit avec ses questionnements sur son rôle de maman, sur l’accouchement… ?

Vouloir absolument une grossesse sereine pourrait revêtir une forme de pression. Je pense qu’il faut déjà la désirer puis se laisser du temps. Un test positif est un choc psychologique en soi, le premier d’une longue série. La grossesse n’est pas un long fleuve tranquille tout comme l’éducation. Il faut certainement en partie oublier la vraie sérénité mais on peut la remplacer par un réel épanouissement. Chaque jour est différent. Avec son plus et son moins. Il faut poser un regard bienveillant sur soi-même et parler de tout ce qui nous traverse. Et ne pas hésiter à se tourner vers les professionnels de santé.

Est-ce qu’il y a des clefs pour bien vivre sa grossesse ?

La clef, c’est être entourée d’amour, de douceur et se laisser aller sans fausse pudeur à ses émotions. Devenir maman c’est la plus belle école d’humilité du monde.

Et l’après-grossesse ? On en parle peu, mais ce « 4ème trimestre » de grossesse après l’accouchement est une période très délicate pour les jeunes mamans…

L’après… c’est là que tout continue. La première séparation est parfois violente, souvent magique car on sent son bébé, on le respire comme un animal, comme une louve …
Nos hormones chutent et continuent de nous protéger pour celles qui allaitent avec l’ocytocine et la prolactine. Mais je sais que les mamans font terriblement bien semblant d’aller bienalors qu’elles sombrent. C’est terrible et c’est un vrai tabou.
Or le bébé a besoin de sa maman et la maman a besoin de son mari ou d’une amie ou de sa propre maman. Bref d’un aidant naturel qui la comprendra, la devinera, la guidera, c’est essentiel. Alors il faut pouvoir dire « je n’y arrive pas »ou « je ne ressens rien ». Certaines rencontres sont différées mais à moins d’une tragédie, on peut toujours « tomber en amour » avec son enfant plus tard. Et si ce n’est pas une question d’amour c’est parfois une question d’émotions ou de ressenti : on m’a souvent dit en consultation « mince c’est le mien je sais que je l’aime mais je ne le ressens pas ». C’est une vraie prison pour le cœur des mères, mais là encore les soignants sont présents.

Crédit photo : BellyBalloonPhotography