Le regret d’être mère, un tabou français ?

Un parent allemand sur cinq regrette d’avoir fait des enfants. Une statistique qui surprend, voire choque notre culture plutôt prompte à faire les louanges de l’enfantement, d’une parentalité idéale et d’une maternité épanouissante… Reflet d’un malaise criant Outre-Rhin, ce chiffre nous interroge : le débat sur le regret d’être mère a-t-il sa place en France ?

 

D’après un sondage mené par la société privée YouGov auprès de pères et mères de tous âges, 20% des parents allemands ne feraient pas d’enfants s’ils pouvaient revenir en arrière.

La gêne s’installe dans nos esprits à la lecture de cet article et de ce chiffre, parus dans Libération le 12 septembre dernier avec le titre non moins déstabilisant : « Être mère, un cauchemar dont je ne me réveillerai jamais ». Pourquoi ce malaise ? Pourquoi cette impression qu’on n’osera jamais dire, ni même penser la même chose ici, en France, pays du point mort de la fécondité avec ses 2,1 enfants par femme et sa politique familiale si encourageante ?

L’article décrit l’ampleur du débat en Allemagne, nourri par quelques ouvrages qui ont su délier les langues, comme celui de Sarah Fischer titré : le Mensonge du bonheur maternel. Un hashtag a même émergé pour rallier les commentaires et témoignages sur les réseaux sociaux : #regrettingmotherhood. Ce malaise serait le résultat d’une trop grande pression pesant sur les mères, qui ont fini par répondre aux diktats de la mère parfaite par la provocation : la non-maternité ou son corollaire, l’aveu de leur regret d’être mère…

Pression sur la durée d’allaitement, absence de modes de garde avant 3 ans, nouveaux diktats sur la nutrition, etc. On a l’impression de connaître la suite… Le parcours du combattant des mères allemandes ne diffère pas beaucoup de celui d’une maman française. Mais de là à rembobiner sa vie et préférer la version « no kids », il y a un pas qui nous semble difficile à franchir. Et pourtant…

Se débattre pour organiser l’emploi du temps de la rentrée, jouer les candidates soumises et jouer de tous ses atouts pour qu’une étudiante accepte de garder les enfants après l’école, rêver d’une école Montessori qu’on ne pourra pas leur offrir, culpabiliser d’acheter une tranche de jambon au supermarché bourrée de nitrites, se demander si on aura le temps de repenser à soi au mois d’octobre… La maternité est loin d’être un long fleuve tranquille au quotidien, et l’on peut se surprendre à regretter la période bénie où l’on avait le droit de ne penser qu’à soi.

Il serait intéressant de réaliser la même enquête en France, pour mesurer le taux de bonheur et de satisfaction des mères françaises. Combien oseraient dire, alors, qu’elles regrettent ?
M. D.

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