« Une année pour tout changer » : 5 enseignements tirés du livre de Céline Alvarez

Elle avait fait grand bruit, en 2016, avec son best-seller « Les lois naturelles de l’enfant » , un manifeste pour une éducation différente, écrit après une expérience de trois ans dans une classe maternelle de ZEP, à Gennevilliers (Hauts-de-Seine). Céline Alvarez revient aujourd’hui avec « Une année pour tout changer », récit de son expérience d’accompagnement, dans trois classes d’une école belge (une classe de CP et deux classes de deuxième année de maternelle). On a lu ce nouveau livre avec intérêt, voici les cinq enseignements qu’on en a tirés.

Si on ne devait retenir qu’un mot de ce nouveau livre de Céline Alvarez, ce serait « fonctions exécutives ». Ce que c’est ? Des compétences cognitives qui nous permettent d’agir de façon organisée, pour atteindre nos objectifs. Elles regroupent trois compétences : la capacité à garder une information en mémoire sur un temps court, la capacité à se contrôler, à se concentrer et à inhiber les distractions, la capacité à détecter ses erreurs, à les corriger, à persévérer et à se montrer créatif.

Pour l’enseignante, booster les fonctions exécutives des enfants, avant même qu’ils ne mettent un pied à l’école, et continuer à le faire pendant toute leur scolarité, revêt une importance capitale. Pourquoi ? Parce que, sans ces compétences, les enfants ne peuvent tout simplement pas apprendre (ni, plus tard, être des adultes maîtres d’eux-mêmes et épanouis).

Les pistes de Céline Alvarez pour muscler ces fameuses compétences :

Laisser faire (même s’ils sont « trop petits »)

Bien sûr, vous le ferez mieux et plus vite, mais laissez vos enfants faire les choses, au lieu de les nourrir, laver, balader comme des objets inanimés, martèle Céline Alvarez tout au long du livre. « Lorsque (l’enfant) s’efforce de mettre sa chaussure seul alors qu’il ne maîtrise ni ses gestes ni l’ordre dans lequel les effectuer (…) lorsqu’il nous aide à vider le lave-vaisselle alors qu’il tient debout depuis quelques semaines à peine (…) le jeune enfant exerce de manière puissante ses fonctions exécutives. Il doit mémoriser les différentes actions requises et les organiser ; inhiber les distractions, focaliser son attention, contrôler ses gestes et émotions qui pourraient l’empêcher d’atteindre son but ; enfin, (…) il doit détecter ses erreurs, trouver des solutions à ses problèmes, et persévérer jusqu’à atteindre son but. Et si nous ne l’empêchons pas, il l’atteindra ; il veut faire seul et il doit faire seul (…) Ses fonctions exécutives se développent et il doit les exercer. »

Relever le niveau

La plupart du temps, les activités que nous proposons aux enfants sont trop faciles, explique (et prouve) Céline Alvarez dans son livre. « Les activités dans lesquelles s’engage l’enfant doivent mettre son intelligence au défi. Pour exercer ses fonctions exécutives, il doit y avoir un effort cognitif soutenu de sa part. » Si les activités proposées sont trop simples, l’intelligence s’ennuie. La motivation s’envole, les capacités d’apprentissage avec. La parade de Céline Alvarez : relever le niveau. On apprend ainsi que les enfants peuvent fort bien jouer au Memory dès la Maternelle, ce qui leur permet de développer de nombreuses compétences, y compris les fonctions exécutives (respecter le tour de chacun, attendre avant d’agir, planifier ses actions et réguler ses émotions en cas de déception). D’autres jeux proposés par Céline Alvarez dans les classes : mikado, dominos, dames et même échecs.

Proposer des activités qui ont du sens

« L’esprit humain recherche le sens. Veillons à proposer à l’enfant des activités qui l’élèvent et qui font sens. L’enfant aura envie de s’y engager, de se perfectionner ; ses compétences d’action seront efficacement exercées », enseigne Céline Alvarez. Inutile d’aller bien loin pour trouver ce genre d’activités « sensées ». « Montrons-leur, dès leur plus jeune âge, comment s’habiller seuls, se chausser seuls, se laver les mains correctement, se moucher, fermer une porte délicatement (…) mettre la table, manger seuls avec de la vraie vaisselle qui casse et oblige à des gestes délicats », énumère l’enseignante.

Leur apprendre à patienter

« Toutes les aides que nous apporterons à l’enfant pour lui permettre de réguler ses impulsions auront un fort impact sur son développement exécutif », explique Céline Alvarez. (…) L’astuce de « la main sur l’épaule », détaillée dans le livre, fait partie de ces aides. « Les enfants nous sollicitent souvent vigoureusement lorsque nous sommes déjà engagés dans une conversation ou dans une tâche qui requiert toute notre attention. Ces situations sont idéales pour leur faire exercer efficacement leurs capacités d’autorégulation. Au lieu d’interrompre notre conversation, nous pouvons inviter l’enfant à poser délicatement sa main sur notre épaule. Grâce à ce contact physique, il n’a pas besoin de nous déranger ou de nous couper la parole : nous savons qu’il a besoin de nous, et il sait que nous savons. Cela l’apaise et l’aide à patienter. »

Les laisser choisir eux-mêmes

Dans les classes que Céline Alvarez a accompagnées, les enfants étaient invités à choisir eux-mêmes les activités qui les motivaient. « Les activités très dirigées, où l’adulte fixe lui-même l’objectif, planifie l’organisation des tâches, détecte les erreurs et donne à l’enfant les stratégies à mettre en place, n’aident pas l’enfant à devenir autonome. Assouplissons nos activités très structurées en permettant par exemple aux enfants de se fixer eux-mêmes des objectifs, que nous les aiderons ensuite à atteindre. Leurs compétences d’action sont ainsi davantage mises à l’épreuve », conseille Céline Alvarez. Une règle cependant : l’activité choisie doit être menée jusqu’au bout.

Céline Alvarez, Une année pour tout changer, Les arènes, 2019.

Crédit photo : Belly Balloon Photography / Les Louves