Vos confidences : comment se remet-on d’une fausse couche ?

Malgré la fréquence de cet événement dans la vie des femmes (elle concerne environ une grossesse sur cinq), la fausse couche est encore un sujet dont on parle peu. C’est souvent, pour celles qui l’ont vécu, une épreuve qui se vit seule et en silence, malgré la douleur physique et morale, les examens médicaux et les interventions qui s’imposent pour certains cas. Preuve de la nécessité de libérer la parole sur le sujet, vous avez été très nombreuses à répondre à notre appel à témoignages pour partager votre histoire et nous raconter comment vous aviez surmonté cette épreuve. Nous publions ici une première série de témoignages, forts et sans filtre, d’autres suivront pour laisser la discussion ouverte et créer un fil de soutien pour les unes et les autres.

Céline : « J’ai eu la chance de rencontrer une femme qui a ressenti la même solitude »

« Toute ma vie, je garderai en mémoire ce jour maudit où l’échographiste m’a annoncé que le cœur de mon bébé s’était arrêté après 8 semaines de vie. Ce qui me reste en mémoire aujourd’hui, plus d’un an après, ce ne sont pas les horribles pertes de sang ou ce bébé qui a fini dans la cuvette des toilettes, ni même le manque total d’empathie de la gynécologue de garde qui s’est occupée de mon hospitalisation. Non, le seul et unique mot qui clignote devant mes yeux, c’est SOLITUDE. Je ne crois pas m’être un jour sentie aussi seule. Ce n’est pas que vous ne puissiez pas compter sur vos proches. Ce n’est pas que votre conjoint ne vous épaule pas, bien au contraire. Mais votre cœur souffre comme jamais avant cela, et personne ne semble en prendre conscience.

Au début, j’ai cru que je le vivais plus mal que les autres femmes car c’était un bébé qui avait mis des années à se présenter, avec un long parcours FIV. Mais j’ai vite compris que cela n’avait rien à voir. On sous-estime simplement le séisme psychologique que représente un tel évènement.

J’en ai voulu à la terre entière de ne pas souffrir avec moi. Autour de moi, on me disait que la nature avait fait son travail et que je retomberais vite enceinte. Mais ce n’était pas le propos. J’avais perdu un enfant et il me manquait terriblement, lui et pas un autre… Pourquoi personne ne l’entendait ?

Après une année de souffrance silencieuse, à faire semblant devant les autres, je crois que je vais mieux. Mais je sais que je dois ma guérison à cette nouvelle grossesse et à cet enfant qui vit. Sans cela, je ne sais pas comment j’aurais pu passer à autre chose.

Ce qui m’a aidée : Dans mon histoire, j’ai eu la chance de rencontrer une femme qui a vécu et ressenti la même solitude. Nous avons pu en parler librement et pleurer ensemble. Aujourd’hui c’est une amie avec qui j’ai un lien particulier, un truc en plus qui nous appartient.

Et puis, j’ai eu de la chance d’avoir un compagnon qui a compris et surtout exprimé son impuissance face à ma douleur. Il ne faut pas oublier la souffrance invisible des hommes lors d’une fausse couche… »

Ellie : « Pour rebondir, il me fallait d’autres objectifs »

« J’ai fait une fausse couche début septembre à 7 semaines de grossesse. Lorsque je suis tombée enceinte en juillet, nous essayions d’avoir un bébé depuis 9 mois. Ce qui, malgré ce que nous disent les médecins, paraît long, trop long.
En août, après la confirmation de la grossesse, mon conjoint et moi étions à la fois très enthousiastes et sur la réserve. Nous avons gardé le secret, et nous étions d’autant plus complices, en attendant fin septembre et la première échographie.

Ce silence a été à la fois un poids et un atout. Il a pesé lorsque nous avons vécu cette fausse couche, du fait de ne pas pouvoir partager notre mal-être ; et parallèlement à ce sentiment, il nous protégeait : il est déjà difficile d’accepter de tirer provisoirement un trait sur tous les films que nous nous étions faits, il est d’autant plus difficile de mettre des mots sur ce que l’on ressent à ce moment-là.

Ce qui m’a aidée : Avant de pouvoir parler de cette expérience de « vive voix », j’ai eu besoin d’écrire. Cet exercice d’écriture m’a permis de me poser et de me recentrer sur ce dont j’avais envie et ce dont j’avais besoin pour me sentir bien. Vouloir être parent a monopolisé beaucoup de mes pensées pendant un an, éclipsant parfois d’autres projets. Pour rebondir, il me fallait d’autres objectifs qui, sans remettre en cause ce projet de maternité, permettaient de m’épanouir. Se remettre à courir, reprendre mon bloc à dessin ou mon carnet d’écriture, faire des travaux dans la maison…

Et puis, c’est une épreuve que l’on vit à deux, même si les femmes y sont confrontées physiquement. Nous avons d’abord pleuré à deux. J’ai eu plus de mal à m’en remettre mais mon conjoint a toujours été là pour me soutenir. Il a toujours positivité, il m’a encouragé à me relancer dans ces différentes activités, il m’a aidé à me relever pour continuer à deux cette aventure. »

Marie : « Des histoires de femmes m’ont réconfortée, touchée, rassurée »

« J’ai 29 ans et en novembre 2017, je décide d’arrêter la pilule. En janvier 2018, ça y est la bonne nouvelle tombe : je suis enceinte ! Quelques semaines plus tard, mon conjoint et moi avons rendez-vous chez la gynéco.

Première échographie, sur l’écran en noir et blanc nous voyons un petit sac qui contient un embryon. Le médecin examine l’écran sans un mot pendant plusieurs minutes qui nous paraissent durer des heures. Finalement elle nous demande de nous diriger vers le cabinet pour échanger. Le verdict tombe : la grossesse n’est pas évolutive, le cœur ne bat pas, je fais une fausse couche.

Je reste sans voix, je ne comprends pas ce qui m’arrive, je veux comprendre et je culpabilise. Elle essaie de nous rassurer en nous disant que cela est très fréquent et que, malheureusement, il n’y a pas vraiment d’explication : c’est la sélection naturelle. On termine le rendez-vous avec l’explication des deux méthodes pour interrompre la grossesse : médicamenteuse et chirurgicale.

Après cette nouvelle, je reste perdue, si c’est si fréquent alors pourquoi personne n’en parle ? Pourquoi n’est-on pas éduquée et préparée ? Je veux des explications. Vivant à l’étranger et ne l’ayant annoncé à personne (cap des fameux 3 mois oblige), je me documente alors grâce à Internet où je découvre une pluie de témoignages de femmes ayant vécu la même expérience.

Je décide d’opter pour la méthode médicamenteuse qui ne fonctionnera pas et je passe finalement au bloc opératoire pour une aspiration fin mars. En mai mes règles reviennent et fin août je tombe de nouveau enceinte. Je suis aujourd’hui à 11 semaines et j’appréhende, la semaine prochaine, l’écho des 3 mois.

Ce qui m’a aidée : C’est d’abord le soutien de mon conjoint bien sûr, mais également tous les témoignages de femmes que j’ai pu rencontrer grâce à Internet, aux podcast et aux réseaux sociaux. Leurs histoires m’ont réconfortée, touchée, rassurée et je suis aujourd’hui prête à témoigner de mon expérience pour aider d’autres femmes dans cette épreuve de la vie. Merci d’évoquer ce sujet si important qui reste tabou.»

Audrey : « Avoir la preuve que je n’étais pas seule m’a instantanément soulagée »

Je suis tombée enceinte très vite après mon arrêt de la pilule, dès le deuxième cycle. Un vrai miracle pour moi qui, depuis très longtemps, avait peur de ne pas pouvoir avoir d’enfants parce que l’une de mes tantes est stérile et que, dès mon adolescence, je m’étais mis en tête que c’était héréditaire. Malgré la prudente tradition qui veut que l’on attende la fameuse échographie des trois mois pour en parler autour de soi, je l’ai très vite dit à mes meilleures amies et à mon père.

Quelques semaines plus tard, première visite chez le gynéco et écho de datation : il m’annonce, quasiment de but en blanc, qu’il s’agit d’un œuf clair… Je ne savais même pas de quoi il parlait. Je suis ressortie totalement désorientée. Et je me suis effondrée dans la rue.

Je crois que j’ai reporté ma colère sur une amie qui avait maladroitement balayé la nouvelle en disant : « Ce n’est pas grave, tu retomberas enceinte en moins de deux, de toute façon ». Mon mari avait un peu cette manière de dédramatiser lui aussi et ça me rendait folle. Je me sentais totalement seule avec ma souffrance. Pendant plusieurs semaines, je ne pensais qu’à ça et j’avais le sentiment de traverser un véritable deuil. J’étais totalement bloquée et j’envisageais même de reprendre la pilule de peur d’un nouvel échec. Je crois que ma réaction était totalement irrationnelle.

Ce qui m’a aidée : Au bout de quelques semaines, j’étais épuisée et je suis allée voir mon médecin généraliste. J’ai vidé mon sac, elle a été très à l’écoute… Puis elle s’est mise à pleurer avec moi. Elle avait traversé une épreuve similaire quelques années auparavant. C’est terrible mais avoir la preuve, en face de moi, que je n’étais pas seule m’a instantanément soulagée. On a longuement parlé mais je retiens trois phrases de cet échange : « La fausse couche est un sujet tabou, votre entourage est impuissant et vous vous sentez seule, c’est naturel. Laissez-vous aller à vos émotions et venez m’en parler quand vous le souhaitez. » Et surtout : « Gardez espoir car toutes les chances, y compris les statistiques, sont de votre côté. » Je suis retombée enceinte 6 mois plus tard et j’ai aujourd’hui deux enfants en pleine forme. Je ne l’avais pas oublié mais je réalise que je n’avais pas pensé à cet enfant qui n’est jamais venu depuis de longs mois. »

Dorinne : « J’avoue que j’ai honte de cette fausse couche »

« J’ai 4 garçons âgés de 1 an à 7 ans et demi. Entre notre troisième et notre quatrième enfant, j’ai fait une fausse couche hyper précoce à 5 semaines d’aménorrhée. Sans douleur et qui s’est réglée toute seule. Je n’en ai pas fait grand-chose sur le moment : je suis chaque fois tombée enceinte dans les deux mois suivant l’envie d’avoir un bébé alors que, dans le même temps, une amie enchaînait les FIV pour un premier bébé. J’estime du coup ne pas avoir à me plaindre mais lorsque j’y pense, si on me demande combien de fois j’ai été enceinte, je réponds quatre, alors que je devrais dire cinq. Finalement, j’avoue que j’ai honte de cette fausse couche. Même si je sais que je n’y suis pour rien. Mais c’est comme si je n’avais pas bien fait mon travail…

Ce qui m’a aidée : j’ai quatre beaux enfants en pleine santé et j’espère un jour un cinquième, peut-être…

Crédit photo : Leon Biss