Comment choisir sa maternité ?

Au commencement d’une grossesse, il y a la joie, la surprise parfois, une décharge émotionnelle à digérer pour réaliser que quelque chose est en route, en nous. Durant ce premier trimestre où l’on cache encore la bonne nouvelle et où l’on n’ose pas encore se réjouir tout à fait, une série de démarches très concrètes s’enclenchent pourtant : prises de sang, rendez-vous chez le gynécologue et inscription en maternité. Cette étape d’apparence administrative n’est pourtant pas anodine : choisir le lieu où l’on va donner naissance, celui qui nous inspire confiance, qui correspond à nos envies et nos valeurs, mûrir sa décision…  Et si l’on posait dès le début de la grossesse des jalons pour devenir actrice de notre accouchement ? Lucie Guilbaud, gynécologue obstétricienne, encourage régulièrement ses patientes à s’investir dans ce choix et nous livre quelques conseils pour vous aider à choisir votre maternité.

À quel moment de la grossesse faut-il s’inscrire en maternité ?

Tout dépend de la ville où l’on vit et du nombre de maternités dans votre secteur. À Paris, il est nécessaire de contacter les maternités quasiment dès que l’on apprend notre grossesse, faute de ne plus avoir de places disponibles et de devoir accoucher dans une maternité que l’on n’a pas choisie. Ceci est particulièrement vrai pour les maternités les plus plébiscitées. Ce n’est pas le cas dans la grande majorité des villes françaises, où il est recommandé de s’inscrire à la fin du troisième mois. (Voir la liste des maternités parisiennes)

Il est parfois difficile de comprendre pourquoi il n’est pas possible d’inscrire (juste !) une femme en plus. En réalité, le nombre de femmes inscrites par mois dépend des capacités humaines et matérielles de la maternité. Ainsi, le nombre de femmes suivies est en adéquation avec le nombre de praticiens, le nombre de salles de naissances, et le nombre de chambres de Suites de Couches. Si la maternité inscrit « trop » de patientes, le risque est celui de devoir transférer des femmes en travail, le jour où elles arrivent pour accoucher, faute de places en salle de naissance.

Dans certaines grandes villes on nous recommande parfois de faire vite : peut-on ne pas avoir de place en maternité ?

Rassurez-vous, il est impossible de ne pas avoir de place en maternité.  S’il n’y pas de place dans la maternité de votre choix, vous serez orientée vers une autre maternité publique et vous aurez toujours le choix d’appeler les différentes maternités privées autour de chez vous. Il y a aura toujours une place en maternité publique. Cependant, on comprend que cela puisse être stressant d’accoucher dans une maternité que l’on n’a pas choisie. C’est pourquoi il est important de se poser la question du choix de la maternité assez tôt dans la grossesse afin d’avoir une liste de deux ou trois maternités préférées à contacter.

Le choix de la maternité est-il forcément connecté à notre suivi de notre grossesse ? autrement dit : une fois inscrite à la maternité, le suivi de grossesse a-t-il lieu en maternité ?

Non. En cas de grossesse de déroulement normal, le suivi peut tout à fait être organisé en ville.

Dans les maternités publiques et privées à but non lucratif, un système est spécialement dédié à ce type de suivi. Il s’agit du réseau périnatal ville-hôpital qui permet d’organiser une première consultation à la maternité, puis tout le suivi de la grossesse auprès d’une sage-femme ou d’un médecin en ville, jusqu’au septième mois de grossesse. Le suivi de fin de grossesse se fait ensuite à la maternité, du septième mois à l’accouchement.

Personnellement, je recommande largement ce choix quand il est possible car il permet un suivi plus personnalisé et de voir toujours le même soignant. En revanche, le suivi doit être organisé en maternité en cas de grossesse compliquée ou en cas d’antécédents particuliers.

Quelle différence entre un suivi de grossesse en maternité ou en cabinet de ville ?

Le cabinet de ville permet une certaine intimité et surtout, d’être suivie par la même personne à chaque fois, ce qui facilite la relation de confiance et une approche personnalisée. De plus, cette option permet d’avoir le choix quant au soignant qui vous suit, sage-femme ou médecin. D’un point de vue plus pratique, les rendez-vous sont souvent plus faciles à organiser en ville qu’à l’hôpital, avec des horaires plus adaptés aux femmes qui travaillent. En cas de suivi en cabinet, les examens complémentaires (examen des urines, prise de sang) seront réalisés en laboratoire de ville.

Le suivi en maternité peut s’avérer plus compliqué. Bien que la majorité des maternités favorise un suivi par le même soignant pendant toute la grossesse, les plannings de chacun font que cela n’est pas toujours possible. Par ailleurs, il est rare de pouvoir choisir quel praticien vous suivra. Généralement, les sages-femmes suivent les patientes ayant des grossesses de déroulement normal, et les obstétriciens, les patientes ayant des grossesses à risque. En cas de suivi en maternité, les tests urinaires sont faits sur place le jour de la consultation et les prises de sang peuvent être faites, soit sur place, soit en laboratoire de ville. Contrairement aux consultations en cabinet, le choix de la date et de l’heure des rendez-vous est moins flexible à l’hôpital et le manque de personnel induit des retards dans les consultations assez fréquents. Cependant, l’avantage de la maternité réside dans un suivi très spécialisé, essentiel en cas de grossesse compliquée. Ainsi, en cas de diagnostic de complication au cours d’une consultation, une prise en charge immédiate est possible (prise de sang, échographie, hospitalisation, déclenchement du travail, etc.).

Quelle question devrait-on se poser en faisant ce choix selon vous ?

Voici les questions qui me semblent importantes à se poser pour choisir la structure où l’on souhaite accoucher :

  • Est-ce une grossesse simple (un seul bébé), une grossesse gémellaire ou une grossesse triple ou plus ?
  • Ai-je des antécédents médicaux ou chirurgicaux qui pourraient compliquer ma grossesse ?
  • Ai-je des antécédents obstétricaux qui laissent penser qu’il existe un risque de complication pour la grossesse actuelle ?
  • Quelles sont les maternités aux alentours de mon domicile ? Est-ce que j’envisage par exemple de vivre le dernier mois de ma grossesse auprès de la maternité de mon choix si l’offre est trop pauvre ?
  • Est-ce que je préfère être suivie par une sage-femme ou un médecin ?
  • Est-ce que je souhaite un suivi personnalisé avec le même soignant pendant toute la durée de la grossesse ?
  • Est-ce que je préfère être accouchée par une sage-femme ou un médecin ?
  • Est-ce que je ressens le besoin de bien connaître la personne qui m’accompagnera le jour de l’accouchement ?
  • Est-ce que je souhaite un accouchement le plus naturel possible ?
  • Est-ce que le fait d’un potentiel transfert de mon bébé à la naissance est source d’une angoisse trop importante ?
  • Est-ce que je ressens le besoin d’avoir un confort matériel important en suites de couche ?
  • Est-ce que mes moyens financiers me permettent d’accéder à un confort matériel supérieur ?

Quels sont les labels qui peuvent nous aiguiller ?

Seul un label existe à ma connaissance, c’est celui de l’Initiative Hôpital Ami des Bébés (IHAB). Il s’agit d’une démarche élaborée par l’Organisation Mondiale de la Santé pour des soins centrés sur l’enfant et sa famille encourageant, soutenant et protégeant l’allaitement maternel. Pour obtenir ce label, les maternités doivent répondre à 12 recommandations qui concernent l’information et le soutien à l’allaitement maternel, le respect des besoins des mères et des bébés pendant le travail et l’accouchement, l’accueil et l’accompagnement de tous les nouveau-nés (allaités ou non) et de leurs parents, ainsi que le respect du Code international de commercialisation des substituts du lait maternel (détail des recommandations ici ). Aujourd’hui 44 établissements en France sont labellisés IHAB dont 17 avec un service de néonatologie.

Carte de France des établissements labellisés IHAB 

Maternité de niveau 1, 2 ou 3 : quelle différence ? Ce critère est-il important ?

Dans les maternités de niveau 1, il n’existe pas de service de néonatologie. En revanche, les sages-femmes ont la formation nécessaire pour prendre en charge un nouveau-né en cas de complication, et dans certains établissements, un pédiatre est présent 24 heures sur 24 afin de gérer les situations d’urgence en attendant le transfert dans un service de néonatologie. Les maternités de niveau 1 sont des maternités idéales pour les femmes présentant des grossesses normales et n’ayant pas d’antécédents médicaux ou obstétricaux particuliers.

Les maternités de niveau 2 possèdent un service de néonatologie qui permet la prise en charge des bébés nés après 32 semaines d’aménorrhée. Elles s’adressent aux patientes dont le risque d’accouchement prématuré est modéré. Elles sont également le lieu idéal pour les femmes ayant des grossesses apriori normales mais qui ont besoin d’être proches d’un service de néonatologie pour être rassurées.

Les maternités de niveau 3 possèdent un service de néonatologie ainsi qu’un service de réanimation néonatale, qui permet la prise en charge de bébés nés avant 32 semaines d’aménorrhée. Les maternités de niveau 3 s’adressent particulièrement aux femmes enceintes présentant des grossesses à risque d’accouchement prématuré (hypertension artérielle, diabète, autre maladie chronique) ou des pathologies de la grossesse (prééclampsie, placenta praevia, antécédent d’accouchement prématuré, malformation utérine etc.). Il est également recommandé aux femmes enceintes de grossesses multiples (triplés ou plus) d’accoucher en maternité de niveau 3, étant donné le risque plus élevé d’accouchement prématuré.

Bien que le niveau de la maternité aiguille les inscriptions, une femme enceinte avec une grossesse de déroulement normal a bien sûr le droit de s’inscrire en maternité de niveau 3. Cependant, l’inscription des femmes présentant des grossesses à risque et/ou habitant à proximité de la maternité sera favorisée.

Cette classification des maternités ne tient compte que des possibilités de prise en charge des bébés et ne tient pas compte des risques maternels. En effet, certaines femmes ayant des antécédents particuliers devront choisir leur maternité également en fonction de leurs antécédents. Par exemple, une patiente présentant un antécédent de pathologie cardiaque devrait plutôt accoucher dans une maternité à proximité d’un service de cardiologie et d’un service de réanimation adulte. De la même manière, une femme ayant des antécédents de chirurgie digestive compliquée devrait accoucher dans un hôpital où se trouve un service de chirurgie digestive.

L’idée est d’essayer d’anticiper les potentiels risques pour la mère et l’enfant afin de favoriser un niveau de sécurité adapté, et d’éviter à tout prix une séparation de la mère et l’enfant à la naissance. Il est donc très important, notamment en cas d’antécédent particulier comme une maladie chronique, de discuter avec son médecin habituel du lieu le plus adapté où accoucher.

On choisit souvent par élimination ou selon les recommandations positives ou négatives de nos proches (amies, sœurs, mère), en particulier quand il s’agit de notre premier enfant. Est-ce un bon réflexe ?

Je dirais que oui. Vos proches vous connaissent probablement mieux que la sage-femme ou le médecin qui effectue votre suivi gynécologique. Contrairement aux praticiens, un proche pourra prendre en compte votre philosophie de vie, vos appréhensions, vos besoins émotionnels. Par ailleurs, la vision d’une femme qui vient d’accoucher dans une maternité est particulièrement pertinente sur les pratiques en cours à un moment précis.

Je pense que les conseils du soignant qui vous suit et ceux de vos proches sont complémentaires et il ne faut pas bannir ceux de vos proches sous prétexte qu’ils ne font pas partie du monde médical.

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