Crises et colères : comment gérer les décharges émotionnelles de nos enfants ?

Comment faire face aux colères incontrôlées de nos jeunes enfants ? Celles qu’un câlin ne suffit plus à résoudre mais que la parole ne parvient pas encore à désamorcer… Virginie Limousin est thérapeute, coach parentale et auteure de nombreux ouvrages avec Isabelle Filliozat. Elle nous livre quelques-unes de ses clés pour faire face dans les moments de crise et pour aider nos enfants, dès 2-3 ans, à surmonter stress et frustration.

Pourquoi la plupart des enfants, dès l’âge de 2-3 ans, ont tendance à se mettre en colère, à faire des crises que l’on a parfois du mal à apaiser ? 

Les crises, les colères, sont des moments très importants. Tous les parents ou presque sont confrontés un jour à ces comportements. On a d’ailleurs souvent du mal à les comprendre, car nous faisons beaucoup de choses pour nos enfants…

L’ancien discours était, en substance : « Il faut poser des limites face à l’opposition des enfants ». Aujourd’hui, on a compris, à la lumière des neurosciences, que si un comportement est récurrent chez tous les enfants, c’est qu’il se passe quelque chose physiologiquement. En observant une IRM fonctionnelle du cerveau des enfants, on constate que le cortex préfrontal, qui n’était pas très actif jusqu’à présent, commence à se développer très rapidement dès l’âge de 2 ans. Cette zone est reliée à tout ce qu’on met sous le grand terme du « pouvoir personnel » : notre besoin d’exploration et de diriger notre propre vie. C’est aussi cette zone qui permet la régulation des émotions et de la maîtrise de soi. Au départ complètement immature, elle se développe et, petit à petit, la capacité des enfants à faire des choix grandit. C’est pour cela qu’on entend beaucoup nos petits dire « moi je veux ! ».  

Comment limiter la survenue de ces crises ?

Les crises des enfants sont en fait d’énormes décharges émotionnelles et de stress liées à différentes causes. On parle de période du « non » mais c’est en fait la première période de besoin d’indépendance et d’autonomie. Dès que l’on arrive à comprendre cela et à réfléchir nos propositions et notre manière de faire les choses, on limite les crises.
Il ne faut pas mettre les enfants sous cloche et éviter de les surprotéger. Avec les tout-petits, il est important de trouver un équilibre avec leur besoin de faire par eux-mêmes. 

Les enfants ont besoin que l’on soit à leur écoute et que l’on décode ce qui se passe pour eux. Nous devons garder un lien le plus sain possible et tout faire pour ne pas tomber dans les interprétations. 

Pourquoi les lieux tels que les supermarchés donnent souvent lieu à des crises difficiles à gérer ?

Ces lieux sont trop stimulants pour un enfant : il y a du bruit, du monde, beaucoup de lumière et beaucoup de choses qui l’attirent. Pour lui, c’est trop et la crise est son moyen de se libérer : en criant, en pleurant, il sécrète de l’endorphine et se décharge du cortisol. 

L’idéal est donc d’essayer de prévenir ce genre de crises : par exemple, si l’on est dans l’obligation d’emmener ses enfants faire les courses, on essaie de choisir un supermarché de petite taille.
Sur place, deux options : soit on fait les courses à toute allure, soit on prend le temps… Et on permet à l’enfant de combler son besoin d’exploration. En lui proposant, par exemple, de prendre un petit panier dans lequel il pourra transporter des paquets. L’idée est de lui donner du pouvoir personnel sur place… tTout en continuant à lui donner du lien. Car lorsque l’on est absorbé par une tâche et que l’on coupe le lien, cela génère du stress dans son corps, et ce stress le rend vulnérable. Il faut donc continuer à lui parler, à tout faire pour rester dans le jeu.

Pour éviter l’accumulation de stress qui conduira à une crise, au supermarché ou ailleurs, tout réside dans l’ajustement entre les besoins de l’enfant et les nôtres. Nous devons, encore une fois, donner aux enfants la permission d’explorer par eux-mêmes. 

Que faire lorsque la crise est là ? 

Si la crise survient, l’enfant se retrouve en décharge tonique de stress et la frustration sera d’autant plus forte si nous sommes indisponibles. Pour nous parent, c’est le moment de se recentrer, de respirer. On a tendance à baisser la tête et à ne plus regarder les autres dans ces moments-là. Pourtant, si l’on regarde autour de nous, on trouvera souvent de l’empathie, du soutien. 

Si nécessaire, il faut sortir quelques minutes du magasin pour gérer la crise. Les enfants ont différentes sensibilités sensorielles : visuelle, tactile, auditive… Certains auront besoin d’un contact physique, d’autre simplement besoin que l’on se pose quelques instants. Il faut idéalement comprendre comme fonctionne notre enfant et réfléchir, en amont, à la manière dont on va gérer ce moment. 

Désemparés, beaucoup de parents vont menacer, disant par exemple : « Si tu continues, je pars ». Ce type de menaces fonctionne sur la peur et sur le système de survie de l’enfant. Cela ajoute donc du stress, qui va conduire l’enfant à se figer dans un premier temps mais probablement entraîner une nouvelle crise trente minutes plus tard… 

Au quotidien, quels outils préconisez-vous pour restaurer le calme et aider nos enfants à se libérer du stress de manière positive ?

Les meilleurs outils sont le jeu et le mouvement ! La crise est souvent symptomatique d’un manque de mouvement, ce dernier permettant aux enfants (comme aux adultes d’ailleurs) de mieux réguler leurs émotions. Pendant le confinement, j’ai mis en ligne une vidéo sur les jeux de contact : des petits jeux de bagarre, durant lesquels le pouvoir se renverse. Si on le laisse gagner sur nous, l’enfant va se réparer de sa frustration, de sa colère.

Jeux de judo, jeu des tigres ou des tyrannosaures… Peu importe le nom, l’idée est de sortir d’une situation de confrontation subie par une confrontation assumée et positive : l’enfant nous pousse, on se laisse pousser en opposant de la résistance et il finit par nous renverser. Ce jeu est magique et possède un pouvoir de restauration bien plus grand que ce que l’on peut imaginer. On peut aussi aller vers des jeux plus doux qui favorisent le contact, les câlins, tels que le massage de la pizza ou le jeu des boules de coton que l’on cache sur soi… L’idée est de redonner du pouvoir à l’enfant dans le jeu.

Lorsqu’on a le sentiment de ne pas trouver la solution seul, peut-on se faire aider ? 

Se faire aider est indispensable ! Pour notre survie, on a besoin de se soutenir les uns les autres. Cela peut passer par la consultation d’un psychologue, par une séance de coaching parental. On n’ose pas toujours y aller, mais se faire aider pour gérer le mieux possible ses problèmes, c’est se montrer adulte et responsable. 

Il existe aussi des programmes en ligne, des livres… Ils offrent des outils concrets, à nous de voir ce qui va nous être utile, de faire le tri et de choisir les deux ou trois idées qui vont nous aider. 

Les recommandations de lecture de Virginie Limousin 

J’ai tout essayé, d’Isabelle Filliozat, éditions Marabout
Pour une enfance heureuse. Repenser l’éducation à la lumière des dernières découvertes sur le cerveau, de Catherine Guéguen, éditions Pocket
Bien comprendre les besoins de votre enfant, d’Aletha Solter, éditions Jouvence
Les colères – 3 histoires pour les comprendre et des conseils pour s’apaiser, d’Isabelle Filliozat et Virginie Limousin 


Crédit photo : BellyBalloonPhotography