Diversification menée par l’enfant (DME) : et si on laissait nos bébés manger seuls dès 6 mois ?

Et si nos bébés pouvaient se passer de purée ? Et si, dès leurs premiers contacts avec l’alimentation solide, ils découvraient la véritable texture des légumes et des fruits ? Et si on leur permettait de manger avec leurs doigts et de mastiquer leur nourriture dès l’âge de six mois ? Autant de questions qui trouvent des réponses positives chez les adeptes de la diversification menée par l’enfant (DME). Zoom sur cette pratique a priori déroutante mais finalement bien plus simple à mettre en œuvre qu’on ne l’imagine. 

C’est une grande étape de la vie de votre bébé et de la vôtre. La diversification alimentaire est une phase de découverte souvent source de grandes joies mais aussi de nombreux questionnements. Plus encore si l’on s’intéresse à une pratique encore peu répandue en Europe : la DME (pour « diversification menée par l’enfant »). 

Le principe est simple : dès qu’il est prêt, soit vers l’âge de six mois, un bébé peut manger seul, avec ses doigts. C’est la méthode de diversification la plus courante dans les cultures dites traditionnelles et celle qui est recommandée par les autorités de santé canadiennes. 

Quelques bonnes raisons de se lancer dans la diversification menée par l’enfant

Car si la pratique est encore relativement confidentielle sous nos latitudes, elle présente de nombreux avantages. Parmi ceux-ci, un éveil plus précoce à la texture et à l’odeur des aliments bien entendu, mais ce n’est pas tout. La DME, ou diversification autonome, contribue également au développement de la motricité fine et de la coordination œil-main et main-bouche. Elle aurait également le mérite de permettre au bébé de contrôler plus naturellement son rythme et sa faim. Côté digestion, un bâtonnet de légume n’a rien à envier à une purée lisse : la mastication imprègne l’aliment de salive, facilitant ainsi le travail de l’estomac. 

Autre bon point que l’expérience nous permet d’attribuer à la DME : peu de choses sont aussi adorables que de voir son bébé de six mois dévorant un bouquet de brocoli à pleines mains ou un pancake à base de flocons d’avoine et de purée de patate douce. 

Quand débuter la diversification menée par l’enfant ? 

Si la diversification classique peut commencer dès 4 mois (avec une tendance actuelle à la débuter vers 6 mois seulement), la DME impose d’attendre que votre bébé soit prêt physiquement. S’il n’est pas nécessaire d’attendre qu’il ait des dents, il est en revanche impératif de patienter jusqu’à ce qu’il sache se tenir assis sans soutien. Un repas DME se déroule en effet dans une chaise haute, et jamais dans un transat, comme on peut le faire avec des purées ou des compotes. 

Autre impératif : le temps du repas doit se dérouler sous la surveillance étroite et constante d’un adulte afin d’éviter les fausses routes. Si le risque existe, il ne doit cependant pas effrayer : les tout-petits sont dotés d’un réflexe vomitif très prononcé. Il leur permet de faire revenir vers l’avant de la bouche un aliment trop solide qui prendrait la mauvaise direction. Envisager de se lancer dans la DME est d’ailleurs l’occasion d’apprendre un geste qui peut sauver la vie de tous les petits de moins de 2 ans, DME ou non : la manœuvre de Mofenson, version adaptée aux plus jeunes de la manœuvre de Heimlich. 

En pratique, rien n’interdit bien entendu de conjuguer DME et purées, voire de commencer par les purées avant de proposer des aliments à « croquer » quelques semaines plus tard.

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Quels aliments proposer et sous quelle forme ?

Pour l’ordre d’introduction des aliments, on s’appliquera à suivre les mêmes préceptes que pour la diversification classique en évitant, par exemple, de proposer des légumes difficiles à digérer dans les premières semaines ou des légumineuses avant l’âge de 8-9 mois.

Pour le reste, l’assiette du bébé peut tout à fait s’approcher de celle du reste de la famille, dès lors que l’on évite les aliments industriels ou ceux auxquels on a ajouté du sucre, du sel ou que l’on a fait frire.

Sur la forme, on découpe les légumes en forme de bâtonnets assez longs afin de permettre au bébé de les prendre en main et qu’une bonne partie dépasse de son poing. Ils doivent être parfaitement fondants en bouche. Le bon test : s’assurer qu’ils s’écrasent entre vos lèvres ou entre votre palais et votre langue. Votre bébé fera le même travail avec ses gencives.

Parmi les aliments à bannir : les pommes, les carottes ou les poires crues, dont un morceau pourrait se détacher, et les fruits et légumes à peau épaisse non pelés. Pour le goûter, on propose donc dans un premier temps des quartiers de fruits pelés et cuits quelques minutes à la vapeur.

L’intégration des protéines se fait au même rythme et dans les mêmes quantités que pour la diversification classique. Attention, donc, à la surcharge rénale en cas de dépassement des doses recommandées. Côté texture, on privilégie bien entendu les plus molles et l’on pense aux petits morceaux de poissons (sans arêtes) et au jaune d’un œuf coque ou mollet sur des mouillettes de légumes.

Comment gérer les quantités ?

Parmi les objections qui reviennent souvent lorsque l’on parle de DME, celle de la quantité de nourriture ingérée, plus difficile à contrôler. Au départ en effet, elle sera sans doute faible, peut-être même proche de zéro. On garde donc à l’esprit qu’entre 6 et 12 mois, le lait, qu’il soit maternel ou artificiel, reste la base de l’alimentation des bébés. L’OMS recommande ainsi que l’apport nutritionnel des solides ne compte que pour 20% de l’alimentation entre 6 et 9 mois et pour 50% entre 9 et 11 mois.

Bien s’équiper pour les repas en DME

Côté contenant, on privilégie les assiettes à ventouse, afin d’éviter qu’elle ne soit éjectée dès les premières secondes du repas. Ou l’on pose les aliments directement sur le plateau de la chaise haute ou sur la table.

Bien sûr, proposer à un tout-petit de manger de manière autonome est salissant. Pour limiter le temps de nettoyage après chaque repas, vous apprécierez certainement l’utilisation d’un bavoir à manches longues et d’un grand linge placé sous la chaise haute. Plus pratique encore, un large plateau léger et amovible sur lequel se scratche un bavoir, tels que ceux de la marque Tidy Tot.

Comment concilier DME et mode de garde par un tiers ?

Méthode encore peu fréquente, la DME peut rebuter la crèche, la nounou ou les grands-parents… Bonne nouvelle : un enfant qui aime manger seul peut tout à fait apprécier les purées et les compotes. D’ailleurs, s’il aimera croquer dans sa banane à l’heure du goûter, peut-être aimera-t-il également qu’on lui propose une purée lisse à la cuillère à l’heure du dîner, lorsque la fatigue commence à se faire sentir. Dans l’absolu d’ailleurs, un repas commencé aux doigts peut se terminer à la cuillère ou à la fourchette en écrasant simplement les aliments proposés en bâtonnets.

Quelques ressources pour trouver des conseils et des idées de recettes

Parmi nos sources d’inspirations favorites en matière de DME, citons le site de Christine Zalejski : docteur en biologie, spécialiste de l’alimentation infantile, elle est formatrice et auteure de nombreux livres sur la diversification alimentaire et de « Mon Bébé mange tout seul », aux éditions Larousse. Elle prodigue de précieux conseils sur son site mais également en consultation (à distance si nécessaire).

Pour faire les bons choix côté équilibre alimentaire, nous avons dévoré « L’Assiette de bébé » (éditions Hachette Pratique), véritable mine d’infos sur les nutriments et l’ordre d’intégration des aliments en fonction de l’âge. Dans cet ouvrage, la naturopathe spécialiste des petits, Candice Lévy, propose également de belles idées de recettes.

On aime aussi le site Byebyepurees des nutritionnistes québecoises Évelyne Bergevin, Marie-Ève Richard,Annie Talbot. Une foule de conseils pour se lancer et d’autres recettes qui sont avant tout distillés dans un livre : « Petites mains, grandes assiettes », aux éditions La Semaine.

 

Crédit photo : Belly Balloon Photography / Les Louves