Devenir maman solo : un chemin de questionnements

Depuis 2021, la loi autorise aux femmes célibataires de recourir à la PMA pour concevoir un enfant. Dans les faits, le parcours de ces futures mamans solos reste complexe, soumis à des délais d’attente longs et une opinion encore réticente à l’idée d’une famille monoparentale choisie. Thérapeute en périnatalité et infertilité, Déborah Schouhmann-Antonio est à l’écoute de ces femmes qui décident de prendre leur destin en main, qui mûrissent leur choix et souffrent du regard que leur renvoie la société. Elle éclaire pour nous leur parcours et le long cheminement qui mène à imaginer une famille sans père. 

Depuis leur plus tendre enfance, nombre de femmes imaginent leur future vie en couple avec des enfants. Cela fait partie de l’imaginaire dans lequel notre société baigne encore.
Mais la vie n’est pas un long fleuve tranquille et elle nous réserve parfois des surprises qui nous amènent à prendre des chemins différents.
Devient-on maman solo par choix ? Par revendication politique ? Par accident ? Comment ce nouveau droit accordé depuis deux ans aux femmes seules suite à la loi PMA pour toutes, est-il vécu et quel parcours cela représente-t-il ? 

Un contexte épineux 

En août 2022 a été promulguée la loi de bioéthique, permettant aux couples de femmes, ainsi qu’aux femmes seules, d’accéder à la PMA en France. Cette avancée sociétale ouvre donc la porte à de nouveaux modes de parentalité.

Afin de mieux comprendre le contexte dans lequel la loi évolue, notons que les centres de PMA ont été submergés par les demandes de prises en charges pour les couples de femmes et les femmes célibataires, les demandes de premier rendez-vous devenant 7,5 fois supérieures à celles des couples hétérosexuels avec 15 000 demandes recensées en 2022. 

Une prise en charge dont les délais d’attente sont élevés, malgré des crédits exceptionnels qui ont été débloqués pour accompagner ce changement et améliorer la prise en charge. Il faut en moyenne 14 mois entre la prise de rendez-vous et la première tentative pour une PMA avec don de sperme. 

Un succès inattendu du point de vue des pouvoirs publics mais qui n’est en réalité que le fruit de la régularisation d’une situation existante, de femmes qui partaient auparavant à l’étranger ou qui faisaient des inséminations par leur propres moyens, qui passent aujourd’hui par le système légal et français. Il n’en reste pas moins que les délais d’attente ne permettent pas à toutes les femmes de réaliser leur projet en France, car elles finissent par être hors d’âge pour répondre aux critères de la loi et malheureusement, un certain nombre d’entre elles continue à partir à l’étranger pour bénéficier d’une prise en charge plus rapide. 

Malgré tout, depuis la promulgation de la loi, les voix d’associations de patients et de professionnels s’élèvent pour réclamer une ouverture des centres privés à la PMA pour toutes, qui permettrait de fluidifier les parcours et de raccourcir les délais d’attente. Cela est en cours de discussion et pourrait être mis en place en 2024. Une bonne nouvelle à venir peut-être…

Maman solo : un choix réfléchi

Faire un bébé toute seule a longtemps été perçu par la société comme une folie, un parcours sans réflexion. Or, de nombreuses femmes nous expliquent avec beaucoup de discernement le pourquoi de ce choix. Car oui, il s’agit bien d’un choix. Beaucoup d’entre elles arrivent à cette décision après des parcours en couple infructueux, mais avec ce désir qui ne les a pas quittées. Pourquoi faire le deuil de ce désir parce qu’elles n’ont pas rencontré la bonne personne ? Nombre d’entre elles décident alors de reconsidérer leur vision de la famille et d’aller vers la maternité en solo. Abandonner l’idée du couple et de la famille tels qu’elles les avaient imaginés et faire famille autrement. Pourquoi passer à côté de ce projet alors que l’envie est là ?
Des mères célibataires, il en existe depuis toujours. Les femmes, avant la contraception, devaient parfois garder un enfant non désiré, ou faire face à un abandon du compagnon lors de leur grossesse. Mais la grande différence est qu’aujourd’hui ce choix peut être réfléchi et construit. Cet enfant à venir est donc désiré et attendu. Il n’est pas le fruit d’un accident malheureux qui pourrait porter préjudice à la relation mère/enfant plus tard.

De nombreuses femmes qui se lancent dans ce parcours le font, pour la plupart, après une longue réflexion sur les engagements que cela implique. Elles se questionnent sur leur rôle, leur place et sur une vie de maman sans un papa. 

Car cette question, malgré le vote d’une loi, reste centrale.

Est-il imaginable de faire un enfant sans un père ? 

De nombreuses voix se sont élevées lors du vote de la loi pour s’y opposer. Être une fille-mère avec un père qui a disparu en cours de chemin, pourquoi pas. Mais que des femmes décident de mettre au monde un enfant sans père, tout le monde n’est pas encore prêt à l’entendre.

De nombreuses études nous montrent pourtant que les enfants issus de ces parcours ne semblent pas plus perturbés que ceux d’une famille traditionnelle.
Sachant que l’essentiel dans la construction de ces nouveaux modèles familiaux est la prise de conscience des femmes dans la responsabilité et l’engagement qu’elles prennent en tant que mamans solos vis-à-vis de l’enfant à naître. Et plus les femmes sont au clair avec leurs choix, plus l’enfant sera lui-même à l’aise avec ce schéma.

La loi permet donc une reconnaissance légale des mamans solos en leur offrant une prise en charge médicale en France. Mais il n’en reste pas moins que les réticences des professionnels de santé comme de la société en général sur cette question sont toujours très présentes.

La loi a autorisé, mais les mœurs restent dubitatives sur cet élan des femmes à choisir le temps de leur maternité tout comme la manière de procréer. Quant aux professionnels de santé, ils doivent faire face à des évolutions qui peuvent susciter des questionnements nouveaux. 

Dans le rapport sur l’état de l’infertilité en France et de ses causes, remis au Président de la République en février 2022, il est proposé un plan d’actions, avec un pan dédié à la formation des personnels de santé notamment pour mieux appréhender les aspects de communication et de prévention. C’est une des pistes indispensables pour améliorer l’accompagnement des patientes.

Il est peut-être utile et nécessaire d’écouter ces femmes qui décident de prendre leur destin en main, de ne pas attendre le bon vouloir de leur partenaire et ainsi d’être dépendantes d’une décision qui parfois ne viendra pas ou trop tard. Les nouveaux modèles familiaux sont nombreux, c’est avec un dialogue et une écoute attentive que nous comprendrons et appréhenderons mieux les choix en matière de maternité.

Déborah Schouhmann-Antonio

Déborah Schouhmann-Antonio est Thérapeute en périnatalité et infertilité.Après 4 ans de parcours en PMA, Déborah a changé de vie pour accompagner les femmes et les couples dans la maternité et l’infertilité, elle est aussi thérapeute du couple et de la famille, coach et sexo-thérapeute. En plus de ses consultations, elle anime des groupes de parole au sein de l’Hôpital Américain (Neuilly), a créé la première journée de l’infertilité en France, travaille auprès d’une députée sur les pistes d’amélioration de la santé des femmes. Elle est l’autrice du livre Infertilité, mon guide vers l’espoir (Jouvence éd.). Pour la suivre : deborahschouhmann.wixsite.com/therapeute et sur Instagram @deborah_schouhmann_antonio.

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Crédit photo : Pelayo Arbuès – Unsplash