Devenir parent : ce qu’on ne vous a pas dit sur les premiers mois

On a imaginé son bébé, on s’est projeté dans son rôle de parent, on a visualisé notre future famille. Et puis la réalité vient un jour bousculer l’imaginaire. « Je ne m’attendais pas à cela », « j’aurais aimé le savoir avant », « c’est beaucoup plus dur que ce que j’imaginais » : les jeunes parents sont confrontés à un tsunami auquel ils sont rarement préparés. Accueillir un bébé est un bouleversement physique et psychique qui suscite de nombreuses interrogations : vais-je bien faire ? Et si je n’aime pas mon bébé tout de suite ? Comment affronter tous ces changements dans ma vie ? Comment se positionner face à l’entourage ? Comment gérer la fatigue ? Voici un petit tour d’horizon de toutes ces questions avec Stéphanie de Boüard, puéricultrice.

Faire le deuil de son bébé imaginaire

Lors de l’annonce d’une grossesse, et souvent même bien avant, le futur parent projette ses attentes, ses désirs, ses peurs, sur son bébé à venir. Il imagine les qualités de son bébé, à qui il va ressembler, mais aussi quel parent il deviendra, comment sera son couple avec cet enfant. « Il aura mes yeux », « il aura ton humour », « quand je serai père/ mère je serai… ». Chaque parent rêve de son bébé idéal, c’est un processus normal. Et puis vient le jour de la naissance. La rencontre avec son bébé réel est alors très souvent différente de ce que l’on avait imaginé. Accueillir son bébé peut prendre du temps, on parle même de processus de deuil entre le bébé imaginaire et le bébé réel. C’est un sentiment tout à fait naturel. Si vous ressentez de la déception, laissez-vous quelques jours pour faire connaissance et découvrir ce petit être tel qu’il est réellement !

Vivre sa matrescence, l’adolescence de la maternité

Avec l’arrivée d’un enfant, tout change. En 1973 l’anthropologue américaine Dana Raphael met un mot sur ce grand bouleversement : la matrescence. « L’accouchement entraîne une série de changements spectaculaires sur l’état physique de la nouvelle mère, son état émotionnel, ses relations aux autres et même dans son identité de femme. Je distingue cette période de transition des autres, en l’appelant matrescence pour mettre en avant la mère et se concentrer sur son nouveau mode de vie ». Pendant 9 mois toute l’attention est portée sur la femme enceinte. À la naissance, le bébé devient le centre des préoccupations, mettant souvent dans l’ombre la jeune mère, qui elle-même se concentre sur son bébé. Pourtant la femme qui devient mère a plus que jamais besoin de temps et d’attention, sans compter le grand chamboulement qu’elle subit à cause des hormones. Il est important de savoir que ce bouleversement est normal.

Et si je n’avais pas l’instinct maternel ?

Ce concept longtemps évoqué est aujourd’hui contesté par la psychanalyse : l’instinct maternel n’existe pas. On apprend à devenir parent jour après jour. Pour certains parents, l’amour éprouvé pour leur enfant se manifeste facilement, pour d’autres ce processus est plus long. Ne pas éprouver d’amour dès les premiers jours n’est pas anormal, ni irréversible. C’est une rencontre, donnez-vous un peu de temps. Et si vous avez la sensation de ne pas y arriver ? N’hésitez pas à en parler à votre conjoint, à un médecin, une sage-femme ou à un professionnel de la périnatalité. Être soutenue vous aidera à cheminer. Parlez-en aussi à votre bébé : dites-lui que vous êtes là, que vous avez besoin de temps pour vous découvrir, que vous apprenez vous aussi et que vous avancerez ensemble.

Devenir père, devenir mère : quelle place pour chacun, quelle place pour le couple ?

Devenir parent est un processus, un apprentissage dans le temps, dès la grossesse puis avec son enfant. Françoise Dolto le dit : « on ne naît pas parent, on le devient ». Devenir parent c’est se découvrir soit même parent, et découvrir son conjoint en tant que père ou mère. Cela signifie aussi changer de statut aux yeux de la société, de votre famille, de votre couple, de vos amis, à votre travail. Devenir parent signifie changer de rythme, d’habitudes. Cela peut être éprouvant. Et c’est normal : trouver un nouvel équilibre prend du temps ! Il est nécessaire d’en parler en couple dès la grossesse, que chacun puisse exprimer ses inquiétudes, ses besoins, ses attentes. Certains parents planifient une soirée par semaine pour se ressourcer seul ou à deux. À chaque couple d’imaginer ses astuces pour trouver le bon équilibre et vivre en douceur cette transition.

Comment faire face aux injonctions ?

Nombreux sont les jeunes parents déstabilisés devant les réflexions de leur entourage, les injonctions de la société ou celles induites par les réseaux sociaux. Si certains conseils vous seront précieux, néanmoins personne n’a à vous dire si ce que vous faites est bien ou non. Vous êtes parents, vous seuls décidez pour votre enfant ! Il n’est pas évident de dire stop à son entourage, mais il est important de mettre des limites. D’autre part, il est bon de se rappeler qu’en matière de puériculture et de parentalité les choses ont changé ces dernières années : on connaît mieux les besoins et le développement du tout-petit. Ce qui était recommandé il y a trente ans ne l’est peut-être plus aujourd’hui. Alors si vous souhaitez endormir, nourrir, câliner, consoler, emmailloter, porter, soigner votre enfant de telle ou telle manière, faites-le.

Comment gérer la fatigue ?

Une des plus grandes difficultés que rencontrent les jeunes parents est le manque de sommeil. La grossesse, l’accouchement, les premières semaines de vie et les premiers mois qui suivent engendrent de la fatigue. La chute hormonale et le stress peuvent renforcer cet épuisement.
Le post-partum se prépare en amont de la naissance : en effet, durant cette période unique et précieuse, la priorité sera de prendre soin de vous et de votre bébé. L’idée est donc de vous décharger au maximum de l’organisation de la maison pour éviter de vous fatiguer ou de vous sentir stressée. Voici quelques propositions pour vous y aider, à prévoir avant la naissance :

– Vous pouvez vous entourer de personnes de confiance pour vous décharger des tâches du quotidien les jours suivants la naissance (ménage, lessives, courses, repas) et établir un planning à l’avance. Ainsi chacun connaît sa mission et vous n’avez plus à y penser !
– Vous pouvez prévoir en avance vos repas pour votre retour de la maternité. Congelez-en au maximum, vous n’aurez plus qu’à les réchauffer lorsque votre bébé sera là !
– Vous pouvez établir une liste de personnes ressources : un médecin, un kiné, un ostéopathe, une consultante en périnatalité, la PMI, une consultante en allaitement si vous allaitez. N’hésitez pas à prendre contact avec eux en amont. Ainsi, en cas de besoin vous aurez rapidement un interlocuteur.
– Il est important d’organiser votre cocon pour votre retour : un plaid bien chaud, une bouillotte, un thermos, des vêtements confortables, un bon fauteuil pour allaiter, des lumières douces pour la nuit, une table roulante avec tout votre petit matériel utile que vous pouvez déplacer d’une pièce à l’autre. L’idée est de vous sentir confortable et en sécurité dans votre cocon.
– Certains couples organisent aussi un tour de rôle pour gérer les nuits, que chacun puisse dormir quelques heures. Parlez-en ensemble en amont, cela permet dès le début de trouver votre routine. Ce n’est pas toujours simple à faire, mais dormir quand votre bébé dormira sera bénéfique. Les tâches de la maison attendront… Les jeunes parents n’osent pas toujours demander de l’aide : autorisez-vous à le faire dans cette période si précieuse !

Devenir parent prend du temps, et le parent parfait n’existe pas. Vous ferez au mieux pour votre enfant et comme vous pourrez, et cela sera bon pour votre enfant, car ce qui compte pour lui, c’est de sentir votre bienveillance et votre amour. De nombreux parents le disent : se préparer avant la naissance et comprendre ce qui va se passer pour soi, pour son couple et pour son bébé, peut aider à vivre ce changement plus paisiblement. N’hésitez pas à vous faire accompagner par une sage-femme, une doula, une consultante périnatale ou à participer à des ateliers avec d’autres parents.

Retrouvez Stéphanie de Boüard sur son site www.stephanieperinatalite.fr
Crédit photo : Vince Fleming/ Unsplash