Gestion des conflits avec son enfant : choisissez l’amour, pas la guerre

Tous les mois, Emmanuelle Opezzo, auteure de Vivre la pensée Montessori à la maison et fondatrice des Ateliers Koko Cabane à Paris, répond aux questions des lectrices des Louves. Ce mois-ci, on se penche sur les conflits avec son enfant : pourquoi certaines situations virent toujours à l’opposition ? Comment faire preuve d’autorité sans crier ? Est-il possible de se faire obéir dans une ambiance sereine ?

Après la naissance d’un bébé, les rapports parent-enfant connaissent une transformation à partir du moment où il découvre l’indépendance en se déplaçant à quatre pattes pour explorer les environs. Le maternage proximal s’estompe progressivement, c’est alors que l’adulte commence à incarner son autorité parentale afin de donner des repères et des limites nécessaires au jeune enfant. Cette autorité est essentielle à un enfant pour une bonne compréhension du monde, de la culture et des codes sociaux, elle est sécurisante et permet une bonne adaptation à l’environnement.

C’est la bataille

Là où ça coince, c’est que souvent pour un parent, autorité rime avec conflit. L’adulte installe, parfois même sans s’en apercevoir, un rapport de force avec son enfant, duquel il souhaite sortir “gagnant”. Il n’y a qu’à se référer au vocabulaire employé usuellement dans notre quotidien à propos des relations que nous entretenons avec nos enfants :  « je me bats », « je lutte », « c’est la crise », « céder », « gagner »… Pourtant, personne ne sort vainqueur d’un conflit.

Mon enfant n’obéit pas

Interrogeons-nous sur ce qui pose problème. Généralement, les difficultés apparaissent quand nous donnons des consignes que nous souhaiterions voir respectées par notre enfant. Par exemple, lorsque nous demandons à notre tout-petit de ne pas toucher à la plante, ou à la prise électrique ; quand on lui prépare un bon repas avec amour et qu’il n’en mange que trois cuillères, ou encore qu’on souhaite changer sa couche maintenant alors qu’il a une autre idée en tête. Nous attendons de lui qu’il nous obéisse. Ca nous ferait plaisir. Toutefois la nature n’a pas prévu que l’obéissance survienne à la naissance ! L’obéissance se met en place progressivement, parallèlement au développement physiologique et affectif de l’enfant si le lien de confiance qui unit l’enfant à son parent n’a pas été rompu (par des conflits répétitifs, du chantage ou des promesses non tenues).

Un élan vital très fort

Avant 3 ans, même si un enfant comprend une consigne, il n’est pas toujours en mesure de la respecter. Non par provocation, simplement car il est soumis à un élan vital et une immaturité physiologique et affective qui ne lui permettent pas de raisonner ses choix. Par ailleurs, obéir, ce n’est pas se soumettre à la volonté d’une autre personne, c’est accorder sa volonté avec celle d’une autre personne. Pour obéir, il est donc nécessaire que l’enfant ait développé sa volonté, qu’il soit en conscience de ce qu’il souhaite et ne souhaite pas, sans être sous la contrainte ou la menace d’un adulte.
Le jeune enfant est programmé pour expérimenter, son développement est sensoriel : il doit toucher, jeter, taper, mettre à la bouche les éléments de son environnement pour comprendre et intégrer les informations. Et comme il est aussi programmé pour répondre à son élan vital davantage qu’à ses parents, nous aurons beau nous efforcer de répéter autant de fois, doucement ou en criant, nos consignes, elles n’auront d’autre effet que d’effrayer notre enfant et de nous mettre en colère.

Coopérer plutôt qu’ordonner

Pour qu’un enfant écoute et suive une consigne, celle-ci doit être bonne, juste et dénuée de rapport de force, elle doit répondre à un besoin de compréhension du monde ou de s’amuser, de rire. Il faut donc être créatif et d’humeur légèrepour trouver la consigne rigolote qui donnera à son enfant l’envie de coopérer. Par exemple, c’est en jouant avec lui au moment de changer la couche, avec des chatouilles, des cache-cache ou une petite marionnette, que nous augmentons nos chances d’obtenir son adhésion. En effet, si l’on se fâche et qu’on le menace, l’espoir de voir son enfant coopérer s’amenuise radicalement.

Le parent, ambassadeur de paix

La paix avec son enfant dépend donc de l’adulte, de son humeur, de son humilité, de sa capacité à ne pas se figer sur une décision prise unilatéralement sans assentiment de son enfant. Coopérer, c’est savoir se mettre d’accord ensemble pour que les choses se passent au mieux pour tout le monde, coopérer c’est s’ouvrir à l’autre sans intention de remporter une victoire, car la seule victoire c’est d’être d’accord ensemble, parent et enfant.
En demandant son avis à votre enfant, en faisant preuve de souplesse, de patience et de compréhension, vous l’aiderez à collaborer et éviterez de nombreux conflits. Et si vous cherchez à tout prix une arme, alors choisissez le repos, car la posture de coopération suppose d’être soi-même en forme, reposé et détendu, sans pensée parasite.
Les enfants ne veulent pas des parents parfaits, mais des parents bien dans leurs baskets, qui sauront leur apporter de l’amour, de la confiance, de la considération et du soutien.

Se mettre d’accord

Pour coopérer, il faut être d’accord sur un cadre et avoir des repères pour reconnaître les limites. Aussi, plutôt que de donner un ordre sans préavis, mieux vaut discuter avec notre bébé, lui expliquer ce qui est bon pour lui, mais aussi lui faire savoir que nous avons confiance en lui et que son avis compte. Par exemple avant de dîner, nous pouvons lui présenter ce que nous avons préparé pour le repas (ou mieux : le préparer ensemble), nommer le plat et lui expliquer qu’il va pouvoir manger ce dont il a besoin pour grandir et se développer. À table, ne pas forcer à manger ce qu’il ne veut pas est une marque de respect. Mieux vaut prendre plaisir ensemble à goûter et surtout ne pas insister si son enfant refuse de finir son plat. Peut-être que nous avons surévalué son besoin, peut-être qu’il mangera plus demain. Discuter avec son enfant, lui faire part de son point de vue, de son émotion de parent, est essentiel à la construction et au maintien du lien de confiance qui se crée pour la vie entière.

Si dès sa petite enfance nous n’accordons pas notre confiance à notre enfant, que nous ne pratiquons pas l’écoute et l’empathie et que nous nous disputons avec lui, qu’en sera-t-il à l’adolescence et à l’âge adulte? Les conflits ou la paix se transmettent à l’enfant, c’est une question de choix. Qu’auriez-vous préféré quand vous étiez enfant?

Conseils en bref

  • Veiller à son propre bien-être pour être frais et dispos
  • Ne pas démarrer un conflit en se braquant
  • Aider son enfant en cas de difficulté émotionnelle
  • Garder une posture accueillante et réconfortante
  • Pratiquer l’empathie et le partage des émotions
  • Donner des consignes bienveillantes et justes
  • Pratiquer l’humour, les jeux et le rire


Diplômée de l’AMI (Association Montessori Internationale), Emmanuelle Opezzo est l’auteure du livre Vivre la pensée Montessori à la maison, ed.Marabout et fondatrice des ateliers Koko Cabane à Paris.