Les dix questions que l’on se pose sur l’épisiotomie

Souvent redoutée, parfois même taboue, l’épisiotomie est une incision du périnée, subie en France dans 35% des accouchements de primipares (et dans 10% des accouchements suivants). Selon les recommandations de l’OMS, cette intervention chirurgicale ne devrait pas dépasser les 20%. Si l’on constate une nette diminution de cet acte, de nombreux progrès restent à faire pour le bien-être des futures mamans. Christelle Morin, sage-femme à Paris, répond à nos questions pour bien comprendre l’épisiotomie et la vivre le plus sereinement possible si on doit y faire face.

L’épisiotomie est-elle douloureuse ?

Christelle Morin : L’acte n’est pas douloureux au moment de l’incision heureusement, car la péridurale fait encore effet. On pratique sinon une anesthésie locale pour que la douleur ne soit pas ressentie.
Mais dans tous les cas un accouchement reste plus ou moins douloureux. Même sans cicatrice, il peut y avoir la formation d’oedèmes qui restent sensibles plusieurs jours. Concernant l’épisiotomie, cela dépend de la suture, de l’utilisation ou non de forceps et du ressenti (personnel) de la douleur.

En combien de temps s’en remet-on ?

Il faut en général une semaine pour se sentir mieux, mais cela peut prendre plus ou moins de temps, cela reste variable, car chaque accouchement est différent.

L’épisiotomie peut-elle être évitée ?

Elle peut tout à fait être évitée. Il faut prendre le temps pendant la grossesse. Comme les tissus et les muscles n’ont jamais été distendus, il faut les assouplir, les faire travailler.
Si on est à l’aise avec cette technique, on peut masser le périnée durant les dernières semaines avant l’accouchement. En prenant petit à petit conscience du muscle au toucher, on diminue le risque d’épisiotomie.
En revanche, le dispositif Epi-no, qui consiste à faire gonfler un ballon dans le vagin pour l’assouplir, n’est pas toujours idéal. En effet, on demande aux femmes de pousser pendant leur grossesse, cela peut s’avérer délétère pour certaines.


L’épisiotomie peut-elle être décidée avant l’accouchement par la future maman ?

Théoriquement oui. Mais cette volonté cache souvent la crainte d’une déchirure, car cette dernière n’est pas maîtrisée. C’est alors aux professionnels de creuser, de rassurer et de faire comprendre que l’épisiotomie n’est pas mieux pour elles physiologiquement.
Et contrairement à ce qui était véhiculé jusqu’à présent, l’épisiotomie ne diminue pas le risque d’incontinence urinaire ou la descente d’organes.

L’épisiotomie peut-elle être pratiquée de manière préventive par les équipes médicales ?

Une certaine catégorie de médecins, surtout masculins, prônaient l’épisiotomie de manière quasiment systématique pour un confort qui ne s’avère pas être celui des femmes. Il faut que le personnel soignant ait envie de travailler autrement. Et il y a de grosses disparités à ce sujet entre les différentes maternités. L’O.M.S a alerté il y a quelques années sur l’abus de cette pratique, qui a significativement baissé depuis, car l’épisiotomie n’est pas la norme.

La future maman a-t-elle toujours un pouvoir de décision pendant l’accouchement ?

La Loi Kouchner de 2002 énonce le principe de consentement libre et éclairé du patient pour tous les actes ou traitements qui lui sont proposés. Les choses changent ces dernières années, les femmes sont de plus en plus informées, notamment grâce aux réseaux sociaux, elles décident davantage. Mais au moment de l’accouchement, s’il y a une épisiotomie à faire en urgence, le médecin ou la sage-femme doit surtout justifier son acte pour que la future maman soit informée.

La déchirure est-elle « préférable » à l’épisiotomie ?

Ce que les médecins et sages-femmes craignent, c’est la déchirure complète (qui va jusqu’à l’anus). Pour l’éviter, ils peuvent opter pour une épisiotomie, mais cela reste rare.
Dans la grande majorité des cas, la déchirure permet une meilleure récupération musculaire. En effet, elle se fait dans le sens des fibres contrairement à l’épisiotomie (qui n’empêche pas les déchirures).

Y-a-t-il des positions d’accouchement qui permettent de diminuer les épisiotomies ?

C’est bien en effet de pouvoir être libre et de bouger en fonction de la tension des tissus. Selon la position, il y a plus ou moins de risques pour la vulve ou pour les petites lèvres. Mais la possibilité d’accoucher dans des positions autres qu’allongée sur le dos, est déjà le signe d’une ouverture d’esprit. Il faut parler de ses envies avec la sage-femme avant le jour J.

Y-a-t-il des conséquences de l’épisiotomie sur la sexualité ?

Il peut y voir des conséquences. Cela dépend de la douleur. Comme il s’agit d’une chirurgie, l’image que les femmes ont de leur corps peut avoir changé. Elles peuvent avoir l’impression d’être mutilées. Il faut alors faire un travail de réappropriation.

Une épisiotomie subie pour un premier enfant indique-t-elle qu’il y en aura une pour un deuxième ?

Il est plutôt rare que l’on ait besoin de faire une épisiotomie pour un deuxième enfant car les tissus se détendent plus facilement. S’il y a eu une déchirure pour un premier enfant, c’est simplement la zone de cicatrice qui va être plus sensible et moins supporter d’être distendue.

Crédit photo : Belly Balloon Photography/Les Louves