Vos confidences : « mon histoire, c’est une fausse couche ordinaire »

Face au nombre de messages reçus lors de notre appel à témoignages sur la fausse couche, nous avons pris conscience du besoin que nous avions toutes d’en parler et de désacraliser ce sujet aussi « banal » que douloureux. Après une première série publiée, nous continuons à partager vos histoires pour laisser la discussion ouverte et créer un fil de soutien pour les unes et les autres. Voici celle de Cécile.

« J’étais déjà maman d’une petite fille qui avait 18 mois. On était en juin, mon stérilet avait été retiré en avril. J’étais à 8 semaines de grossesse (6 SA).

Fausse Couche. Nom féminin « Interruption accidentelle de la grossesse entraînant la mort du fœtus ». Ce nom tabou, inconnu au bataillon avant l’inscription du projet « baby » à l’ordre du jour d’un couple, prononcée à demi mot et qui est pourtant ordinaire, banal…

Ceci est mon histoire et mon histoire c’est une fausse couche ordinaire (sans complication, sans répétition, la première et la dernière). Le mot peut choquer car avoir un enfant, et devenir parent, s’avèrent parfois un vrai parcours du combattant. Moi je fais partie de l’ordinaire, du banal.

Beaucoup de questions et peu de réponses

Oui une fausse couche est banale. Banale dans le sens « pas rare ». Banale dans le sens « courant »… Sauf que ça, personne ne nous le dit. Et quand ça vous arrive vous avez l’impression qu’une fausse couche, c’est tout sauf banal justement. Une fausse couche c’est le point d’arrêt d’un projet. Le retour à la case départ. Le vide en soi. La fausse couche c’est beaucoup de questions et peu de réponses.

J’étais de celles qui avaient fait de leur fausse couche un tabou. Une expérience que l’on ne confie qu’aux bonnes copines. Jusqu’au jour où j’ai changé d’avis. Changé d’avis car une fauche couche cela peut arriver à tout le monde et j’aurais bien aimé qu’on me le dise. Cela arrive à tout le monde. Une grossesse sur quatre nous dit-on. Tout le monde… Moi, vous, votre mère, votre sœur, votre meilleure amie. Alors pourquoi les professionnels ne nous expliquent pas ce que c’est qu’une fausse couche ? Hey les gynécologues pourquoi vous ne nous dites pas que c’est courant ? Que ce n’est pas grave (dans la majorité des cas) ? Qu’il s’agit « simplement » d’un petit œuf qui s’est accroché et qui n’aurait pas dû car il n’était pas viable ? Pourquoi vous, les gynécologues – une majorité de femmes de surcroît – traitez la fausse couche avec une indifférence déroutante ? On a besoin de vous dans ces moments-là, vous le savez ? On a besoin d’être rassurée, épaulée, INFORMÉE.

Les taches de sang sur nos jolies culottes. Notre cœur qui se serre. La gorge qui se noue. Le corps qui vacille. Le bout de PQ pour une nouvelle fois s’essuyer, savoir si on a rêvé. Mais non … Haletante composer le numéro du gynéco. Tout plaquer au bureau.

Le rendez-vous.
Les questions.
Les questions.
Les questions.
Le sang qui continue à couler, son petit cœur qu’on voit et qu’on entend battre.
Un espoir. Un faux.
Une réponse : on se revoit dans trois jours – une éternité – Si cela venait à couler plus qu’une serviette en quatre heures, allez aux urgences.

Urgences. Port-Royal.
L’attente. Seule.
Une interne.
Une échographie d’une rare violence. Aïe. Aïe.
Une question.
Une réponse : le cœur bat toujours, pour l’instant tout va bien Madame.
Une question.

Une réponse : il faut attendre 48h pour savoir.
Pour l’empathie on repassera.
Son cœur s’est arrêté. Il est parti, seul. Sans besoin d’aspiration.
Une chance dans cet épisode malheureux d’une vie.

L’après. Peut-être le plus dur dans cette expérience

Les règles synonymes de défaite.
L’obsession de « le » faire au bon moment.
Les annonces de grossesses, celles des autres – 5 en deux mois – qui me rendent aigrie. Je ne suis pas heureuse pour vous. Désolée.
Les règles. La défaite.
L’obsession.
L’application – oui vous savez celle qui vous permet de savoir quand est-ce que vous ovulez. Vous renseignez la date de vos règles et elle vous délivre cette sacro-sainte date de l’ovulation. Une connerie cette application.
La meilleure amie, qui a enlevé son stérilet le même mois que vous, que vous grillez à boire du coca en soirée.
L’obsession je vous dis.
L’envie de pleurer.
Les larmes.

La bonne copine, à qui vous n’aviez rien confié (bah oui c’est tabou), qui déboule. Les questions. Les réponses…
La décision : bye l’application (merci Charlotte). Bye l’obsession. Advienne que pourra.
Elle est là, quatre mois plus tard, la petite croix sur le long stick blanc.
Il est là mon petit cœur qui bat. Aujourd’hui tu as 16 mois. »

Cécile, 32 ans.
Crédit photo :  freestocks.org / Unsplash