De 0 à 3 ans : les secrets du cerveau de nos bébés

Comment les bébés appréhendent-ils l’univers qui les entoure, comment apprennent-ils en moins de trois ans à parler, marcher et devenir des petits hommes fonctionnels et quasiment autonomes ? Les neurosciences nous éclairent sur le développement des bébés : on a abordé ce très vaste sujet au cours d’une table ronde orchestrée par Stokke, la marque de mobilier scandinave qui place le développement psychomoteur des tout-petits au cœur de sa démarche pour favoriser la connexion parent/enfant. C’est Josette Serres, docteure en psychologie du développement, spécialisée dans le développement cognitif du nourrisson, qui a répondu à nos questions. Voici les enseignements que nous avons tirés de cette rencontre, et une liste de lectures pour aller plus loin…

Le bébé est un statisticien

« Le bébé arrive dans un monde inconnu, il va devoir mettre de l’ordre et comprendre avec les rencontres ce qui est fréquent et ce qui ne l’est pas. C’est un statisticien, il fait des calculs de probabilité en permanence. Il fait des hypothèses ». Ainsi, dès ses premières heures de vie, le bébé essaie de comprendre ce qui va se passer. Il fait des hypothèses et des prédictions et a la capacité à inférer, c’est-à-dire déduire, ce qui va se passer après. « Le cerveau adore se sentir dans une situation connue. » Il suffit de trois répétitions pour que le bébé reconnaisse une situation comme étant «familière». « J’ai vu des choses se produire plusieurs fois, maintenant je les prédis » : le bébé exécute ce qu’on appelle un codage « prédicitf » dans son cerveau, et il sait reconnaître une erreur…

Ainsi, le cerveau « aime » parier : il apprend par l’erreur, aime se tromper, tant que l’équilibre entre erreur et réussite reste à son avantage (soit 70% de réussite, 30% d’erreur).

Ce que cela induit dans notre quotidien de parent ? Le bébé est rassuré par les situations connues, d’où l’importance des rituels, qui lui permettent d’apprendre. Par exemple, si avant de passer à table à chaque fois vous lui demandez de se laver les mains avant, au bout de quelques répétitions, le bébé aura intégré que si on se lave les mains, c’est l’heure de manger !

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Un enfant est motivé par l’exploration

Ce qui manque aux enfants c’est la capacité d’inhiber un choix : c’est l’un des processus d’apprentissage les plus longs, car il est lié au développement du lobe frontal du cerveau. Ces capacités d’auto-contrôle vont se développer sur le tard, ce qui peut expliquer de nombreux comportements de nos enfants : si votre bébé jette sa banane du haut de sa chaise haute alors que vous le lui avez interdit plusieurs fois, s’il persiste à essayer de mettre les doigts dans la prise électrique, ce n’est pas contre vous ou pour vous provoquer, c’est qu’il est incapable de se contrôler : il comprend l’ordre mais ne peut pas inhiber son action en cours..

« Les caprices n’existent pas chez les tout-petits, un enfant est motivé par l’exploration, c’est ce qui est vital chez lui et il n’est pas en capacité de freiner sa curiosité à cause du danger. Ce n’est donc pas de sa faute ! Notre rôle en tant que parent est de le protéger ».

Ce que cela induit dans notre quotidien de parent ? Quand un enfant fait un geste ou une action dangereuse ou interdite, plutôt que de lui opposer un « non », tentez de comprendre ce qu’il cherche à tester pour le reproduire avec lui autrement.

Apprendre est vraiment un plaisir

Avant 3 ans, on apprend dans l’action, on n’apprend jamais assis et en écoutant. Toutes les actions créent des hypothèses : « je fais ceci, alors il se passe cela. Et si je faisais ceci, que se passerait-il ? ». « La mécanique de la réflexion se met en place et en même temps que l’enfant agit, cela déclenche un système de récompense : des neurotransmetteurs envoient une sensation de plaisir, et cela va dans un cercle vertueux renforcer la curiosité intellectuelle… ». Et si on apprend dans l’action, les apprentissages vont être logiquement liés au développement moteur des bébés…

À noter : on apprend toujours deux fois, d’abord avec un adulte et ensuite quand on refait tout seul, avec en représentation la façon dont on l’a fait avec un adulte… Donc la présence de l’adulte est essentielle.

Pour aller plus loin dans la connexion avec votre bébé, voici la liste des lectures recommandées par Josette Serres :

  1. Nadel, Imiter pour grandir, Dunod, 2016
  2. Houdé, Apprendre à résister, Le Pommier, 2014
  3. Gentaz, La vie secrète des enfants, Odile Jacob, 2016
  4. Gopnik, L’anti-manuel d’éducation ; l’enfance révélée par les sciences, Essai- Le Pommier, 2016
  5. Kahneman , Système 1 et Système 2: Les deux vitesses de la pensée, Flammarion, 2016
  6. Gueguen, Pour une enfance heureuse, Pocket 2015
  7. Lecuyer, L’intelligence de mon bébé en 50 questions, Dunod, 2014
  8. Rochat, Le monde des bébés, Odile Jacob, 2006
  9. Gopnik, A. Meltzoff, P. Kuhl, Comment pensent les bébés ?, Le pommier, 2005
  10. Dehaene, Apprendre ! Les talents du cerveau, le défi des machines, Odile Jacob, 2018

Crédits photos :
Photo de couverture : Felipe Ferreira / Unsplash
Autre : BellyBalloonPhotography/ Marine Kapur / Les Louves