Vos confidences : « après ma fausse couche, je me sens punie sans savoir de quoi »

Face au nombre de messages reçus lors de notre appel à témoignages sur la fausse couche, nous avons pris conscience du besoin que nous avions toutes d’en parler et de désacraliser ce sujet aussi « banal » que douloureux. Après une première série publiée, nous continuons à partager vos histoires pour laisser la discussion ouverte et créer un fil de soutien pour les unes et les autres. Voici l’histoire de Pauline.

« Je suis contente qu’enfin ce sujet soit abordé, il est difficile lorsqu’on vit cela de trouver des choses à lire, à entendre qui font du bien…

Il y a trois ans, mon ami et moi parlons enfin de bébé sérieusement. Mais alors que nous commencions à nous projeter dans l’idée de devenir parents, je suis tombée malade. J’étais épuisée, vidée de toute énergie : on m’a diagnostiqué une maladie de la thyroïde, qui arrive souvent aux personnes plus âgées que moi, moi j’avais 28 ans. Le médecin me propose deux solutions : un traitement de 2 ans minimum durant lequel on ne peut pas faire d’enfant ou une ablation de la thyroïde. Je voulais ce bébé, donc j’ai choisi de me faire opérer. Une fois opérée, je pourrais reprendre une vie normale, retrouver un équilibre et avoir un bébé !

Je suis morte de peur à l’idée de cette opération. Je pleure sur mon brancard, un infirmier me rassure, je ne le remercierai jamais assez. L’opération se déroule bien, mon réveil est difficile, il neige ce jour-là. Et puis, mon traitement s’équilibre plutôt vite et je retrouve une vie normale. Une chance. Mais déjà, notre projet de
bébé a été mis à l’épreuve, nous sommes patients…

Puis, nous revoilà partis sur notre projet de bébé, on attend le feu vert du spécialiste pour se lancer dans sa conception et dès le « go » donné on se lance. Assez rapidement, je calcule, je suis toute excitée chaque mois et puis je tombe enceinte. La petite barre sur le test dit que j’attends un enfant, ce résultat que j’attendais tant est là ! Je ne dis rien, je me retrouve dans le métro, légère comme une plume à ne penser qu’à ça, le soir je file acheter un petit chemisier (unisexe) pour ce futur bébé que j’offre à mon compagnon pour lui annoncer la nouvelle ! Un peu sonnés que cela nous arrive, presque vite finalement, nous sommes heureux et commençons à nous projeter dans sa date de naissance… Je fais la prise de sang pour confirmer, tout est ok ! On prend rdv chez ma gynéco de ville. Nous y voilà, la première échographie ! On trépigne d’impatience…

Nous voilà enfin dans le cabinet, on parle tout de suite de ce que je ne peux plus manger, ce que je dois ou pas changer dans mes habitudes… Et puis nous passons à l’échographie.
Et puis, grand silence du médecin.
Elle nous dit qu’il y a un souci, que le cœur de l’embryon ne bat plus, qu’il faut aller aux urgences (car elle ne peut rien faire).

Je tombe dans le vide. Je ne réagis pas, presque pas, je pose quelques questions mais pas plus que ça. Je suis sonnée. Je suis abasourdie.
Tétanisée.
On sort du cabinet et je m’effondre devant l’immeuble.
Mes larmes, ma colère sortent et explosent. Pourquoi ? Pourquoi moi ? Je n’y étais absolument pas préparée. Je ne suis pas allée travailler ce jour-là.

On part aux urgences, à deux, sur notre scooter. Nous y voilà, on attend… Ce sont les urgences gynécologiques d’un grand hôpital parisien. Nous sommes reçus dans une salle d’examen par une jeune femme médecin, adorable, enceinte. Bon, ce n’est pas simple mais elle est si compréhensive et gentille.

En effet, à l’échographie, le petit cœur ne bat pas, mais en même temps elle se questionne sur la datation, y a-t-il un décalage entre l’évolution de l’embryon, son « âge » présumé… Elle souhaite attendre pour un second examen dans une semaine. Sauf que nous sommes fin juillet et que la semaine suivante elle sera absente. Ça je ne le savais pas encore… Je vois durant plus de deux semaines différents jeunes médecins, qui me font aller et venir sans savoir quoi dire, mauvaise datation, évolution étrange, embryon mal positionné… Jusqu’à ce qu’un jour quelqu’un me dise que mon futur bébé ne grandira plus. Et durant ces 3 semaines d’attente insoutenable pour moi, entre espoir et peur, mon corps l’avait gardé au chaud quand même. Je n’en avais parlé à personne, on gardait cela entre nous, mais c’était dur. Un soir, je craque et j’appelle mes parents, parce que je n’arrivais plus à tout porter mais aussi parce qu’ils sont médecins et que je voulais un avis professionnel.

À quelques jours des vacances, je prends les comprimés qui ne fonctionnent pas… Embryon toujours au même endroit. Donc, on programme un « curetage ». Pour cela il faut passer par l’accueil de l’hôpital pour s’enregistrer… Là, une femme à qui je demande mon chemin me dit que je devrais ramener les papiers quand je serais à 7/8mois de grossesse et visiblement j’en étais loin. Je ne réponds rien mais cette femme m’a profondément blessée.

C’est comme cela que commencent mes vacances d’été cette année-là.
Un matin d’août, me voici arrivée à l’hôpital, un hôpital désert. Accompagnée de mon ami, il est avec moi jusqu’à ce que le brancardier vienne me chercher, la porte de l’ascenseur se ferme entre nous. Me voilà partie. J’ai peur, comme lors de ma précédente opération. Et puis, je m’endors et les médecins agissent, c’est le réveil qui m’a
le plus marquée. Je me retrouve en « salle de réveil » entourée de deux femmes qui viennent de sortir d’une césarienne… On amène à l’une puis à l’autre leurs bébés, et moi je suis là, à côté… Seule et
vide.
Puis, arrive une autre femme à mes côtés, une très jeune femme qui venait de subir la même opération que moi. Elle et moi, on était là, au milieu de la valse du bonheur des sages-femmes entrant et sortant, des
papas éblouis et des médecins qui venaient vérifier notre entrejambe.
À ce moment-là, je me suis dit que je n’aurais pas d’enfant. Tant pis.

Puis, l’été passe…  Mon futur mari me demande en mariage début septembre, joli cadeau d’anniversaire et entorse au destin ! Nous voici fiancés et on se dit qu’on se mariera après avoir eu notre bébé tant désiré ! Et on est sûrs, puisque c’est ce que nos proches nous promettent, que la seconde fois sera la bonne, que ça
arrive souvent quand même, qu’on n’avait pas eu de chance mais que le sort allait s’inverser… Donc, en parallèle de mes recherches de robe de mariée, de déco, de mariage… Je recherche mon équilibre, mon taux de TSH
devant être optimal pour accueillir un bébé au creux de moi… Me voilà prête, on tente l’aventure à nouveau avec un autre projet en parallèle.

Paf ! Je retombe enceinte en octobre ! Chouette, la chance nous sourit. Ça y est ! Je fonce annoncer la nouvelle à mon fiancé le test à la main. Chouette, on n’est pas ultra sûrs de nous mais on est heureux et cette fois on y croit. Test positif, prise de sang qui confirme… Super !

On attend quelques jours pour refaire une prise de sang et là ma gynécologue m’appelle en me disant que les hormones n’évoluent pas bien. Tout s’écroule, j’ai peur, j’appelle mes parents qui me recommandent un obstétricien en clinique. J’ai rendez-vous deux jours après à 7h du matin. Quelle chance, et là… En effet, un nouvel embryon qui va mal. Un cœur qui ne bat pas non plus.

Notre joie s’écrase au sol. Je suis à terre. Je fonds en larmes, j’essaie de garder la tête haute mais c’est dur. Ce matin-là, on se sépare, je retrouve ma mère et je vais essayer des robes de mariée, ça me fait m’évader, je n’y pense pas.

Mon médecin me prescrit un autre médicament pour que la fausse couche se fasse d’elle-même. Je ne veux pas retourner au bloc opératoire. J’avale les comprimés et on part en week-end. Ce week-end là, on se dit que pour nous changer les idées on peut visiter des lieux de mariage… Je suis très très malade, j’oscille entre des
nausées terribles et des découvertes de lieux magiques. Ce week-end me fait beaucoup de bien finalement, même si je sens mon 2e futur bébé partir de moi… Finalement, on rentre à Paris et on s’est décidés sur
un lieu de mariage et même une date ! Dans 9 mois on se mariera là-bas.

Les mois passent, notre projet de bébé n’a pas disparu, mais chaque mois j’attends, j’espère et je croise les doigts quand je fais un test. Je calcule, je me mets la pression. Je désespère, je pleure beaucoup, j’en veux à la terre entière, les gens ne sont pas toujours délicats, je souffre en silence mais je me sens hors du monde. Isolée et punie sans savoir de quoi. Et enfin, alors que le mariage approche, que je décroche un peu car j’organise les 30 ans de mon amoureux, qu’on fait beaucoup la fête, je suis de nouveau enceinte ! Quelle joie !

Évidemment, encore un stress, et ce durant les trois premiers mois, mais aussi après. Finalement, nous avons pu annoncer que nous allions avoir un bébé à notre mariage ! Cet instant fut magique, une vraie revanche
sur les dernières années ! Et ma grossesse fut un vrai bonheur. Jeanne est née le 27 décembre 2017.

Jamais je n’oublierai les étapes, les épreuves mais aujourd’hui ma fille est un soleil. Mais j’aurais aimé me sentir moins seule au monde quand j’étais au cœur de la tempête.

Voici mon histoire, merci d’ouvrir ce sujet et d’en parler, c’est important et vital pour celles qui traversent ces moments-là. »

P. 32 ans
Crédit photo : Ben White-Unsplash