Après une hystérectomie : se reconstruire en tant que femme et retrouver sa féminité

Chaque année, près de 60 000 femmes subissent une hystérectomie en France. Si l’intervention sauve des vies ou met fin à des douleurs invalidantes, ses conséquences psychiques et identitaires restent largement passées sous silence. Psychopraticienne spécialisée dans les relations parents-enfants, Pascaline Thilloy raconte ce que l’opération a bouleversé dans son corps, son intimité et son rapport à la féminité.

L’hystérectomie, c’est un paradoxe terrible. Bien sûr, c’est une opération qui sauve des vies, qui soulage, qui délivre d’une douleur physique parfois insupportable. Mais cela s’accompagne d’une douleur psychique profonde. Le vrai défi c’est la reconquête de son identité féminine et de son estime de soi. En France, on parle de 60 000 femmes chaque année. C’est une réalité qu’on ne peut plus ignorer.

Mon hystérectomie ne fut pas planifiée. Elle s’est imposée à moi suite à une complication grave lors de mon accouchement. Pour celles d’entre nous qui ont eu des enfants, la perte est un choc, la maternité est coupée net. Pour celles qui n’en ont pas, c’est la fin brutale de toute possibilité. Dans les deux cas, c’est un choc violent. J’ai ressenti, pendant longtemps, un sentiment de perte profond : je ne me sentais plus entière.

Ce sentiment était exacerbé par le manque d’accompagnement et par les remarques bien intentionnées, mais cruelles, que j’entendais : « tu as déjà des enfants, tu as de la chance » ou « tu n’en voulais plus, alors ça ne change rien ». Ces mots n’entendent pas le deuil que nous sommes en train de vivre. Je suis restée des années avec cette injonction : je n’ai pas le droit de me plaindre.

Aujourd’hui, avec mon regard de psychopraticienne, je me dis que nous avons le devoir de rendre visible l’impact invisible de cette opération.

Le démantèlement du corps : affronter le triple deuil de l’hystérectomie

Le chemin vers l’apaisement ne peut pas commencer si l’on ne s’autorise pas à ressentir cette perte. Le corps et l’esprit doivent reconnaître la réalité d’une triple amputation symbolique. Il faut intégrer ce qui est en réalité un triple deuil :

1/ Le deuil du corps physique et émotionnel : Au-delà de la cicatrice, il y a ce vide inexplicable qui s’installe, cette sensation physique d’un manque. Il est vital de s’accorder ce temps. Votre corps a besoin d’intégrer cette nouvelle réalité.

2/ Le deuil de la possibilité : L’impossibilité de concevoir est une réalité brutale. Que l’on ait déjà des enfants ou non, c’est la fin absolue du choix. Pour les femmes sans enfant, c’est la fermeture définitive de porter son enfant, un traumatisme à part entière.

3/ Le deuil de l’identité cyclique : L’utérus était le cœur de la féminité biologique. Dans mon cas (hystérectomie subtotale), je garde le paradoxe d’avoir pendant un jour des règles une fois par mois, un rappel biologique qui ne sert plus à rien. C’est le deuil du symbole de la maternité potentielle.

Le chemin de la reconquête : un plan d’action intime

En tant que psychopraticienne, et en tant que femme qui a traversé cela, je l’affirme : ce processus est une invitation à être vous-même, sans aucune condition. C’est l’étape où l’on arrête de subir pour agir concrètement sur sa guérison.

1/ Verbalisation et Thérapie : Sortir de l’injonction “Sois forte”

J’ai dû m’autoriser à dire : « Je ne suis pas seulement sauvée, je suis blessée ». L’accompagnement psychologique est essentiel pour réduire la dépression et l’anxiété. Vous avez le droit de nommer cette colère, ce vide. La thérapie n’est pas un luxe, c’est l’outil essentiel pour faire la paix avec cette histoire et reconstruire votre estime de soi.

2/ Sexualité et Intimité : Oser retrouver le désir

L’intimité est souvent la zone la plus délicate à reconstruire après une hystérectomie. Pour moi, elle a été le lieu d’une douleur vive pendant des années, car l’acte ravivait la blessure : l’intimité me rappelait que je ne pouvais plus être enceinte.

J’ai dû apprendre à déconnecter l’acte de la procréation pour remettre le plaisir, le partage et la connexion au centre. C’est un travail de déprogrammation de cette pensée douloureuse. Je me sentais coupable, mais mon mari a trouvé les mots justes, prouvant que le rôle du couple peut être fondamental. Il faut ouvrir l’échange, sans tabou, pour que le partenaire puisse vous rappeler que votre désir est intact et qu’il vous voit comme une femme entière.

3/ Maternité et fratrie : élever avec l’histoire du moment

Mon dernier enfant est né dans ce deuil de la maternité. J’ai surinvesti notre relation, ce qui est une réaction courante. Mais j’ai aussi été, paradoxalement, une maman plus cool, moins exigeante. Cette différence a créé des incompréhensions avec mes deux grands. Cette expérience m’a appris une chose essentielle : on élève chaque enfant avec notre histoire du moment. Accepter cela, c’est se libérer de la culpabilité d’une “maternité parfaite” uniforme.

4/ La reconquête physique et l’image corporelle

J’ai dû apprendre à toucher ma cicatrice, à accepter cette marque, à ne plus la considérer comme un échec. L’image corporelle et le bien-être sont intimement liés. Réinvestir ce corps est vital. C’est un acte de réconciliation : reprendre possession de votre enveloppe physique pour qu’elle redevienne un lieu de plaisir, de force et d’affirmation de votre féminité.

60 000 femmes, chaque année, c’est une urgence

La prise en charge psychologique devrait être systématiquement proposée et financièrement prise en charge avant et après l’intervention. Il est temps que le corps médical entende cette nécessité.
L’hystérectomie est une épreuve. Elle change votre vie. C’est la fin d’une histoire biologique, mais c’est l’opportunité brutale de vous redéfinir, par vous-même.
Votre valeur, votre désir, votre force sont là, dans celle que vous choisissez de devenir aujourd’hui. Laissez derrière vous la culpabilité et les injonctions sociales. Votre féminité n’est pas un organe, c’est votre propre définition.

Aujourd’hui, je ne dirais pas que j’ai “accepté”. Ce mot est trop grand. Je dirais plutôt que j’ai apprivoisé ce vide.
J’ai appris à me regarder autrement, à aimer ce corps non pas pour ce qu’il donne, mais pour ce qu’il a traversé.
Je suis en vie. Mais surtout, je vis.

Pascaline Thilloy est psychopraticienne, spécialisée dans les relations parents-enfants.
Elle accompagne les enfants, les adolescents, les parents et les adultes dans leurs défis émotionnels du quotidien : anxiété, conflits familiaux, épuisement parental, hypersensibilité, difficultés scolaires ou troubles du neurodéveloppement.
Dans son cabinet Espace Émotion et Bien-Être, ou en visio, elle propose un accompagnement à l’écoute, ancré dans la bienveillance, pour aider chacun à retrouver confiance, apaisement et clarté.
Retrouvez-la sur son site www.espaceemotionetbienetre.fr et sur Instagram