Confidences de maman : Emmanuelle Opezzo et l’éducation positive

On adore ses outils pratiques pour appliquer la pensée Montessori à la maison et apprendre à devenir un parent bienveillant : maman de 2 enfants, Emmanuelle Opezzo a laissé tomber une carrière dans la finance pour fonder en 2013 les ateliers Koko Cabane à Paris, avec pour ambition de diffuser la pensée Montessori dans le quotidien des familles, au-delà des frontières de l’école. On l’a rencontrée lors de notre dernier Small Talk sur l’éducation, une bonne occasion de lui poser toutes nos questions sur la gestion des conflits, la question de l’autorité sur les tout-petits et ses astuces pour ne pas perdre son sang-froid face à ses enfants…

 

Comment es-tu tombée dans le bain de la pensée Montessori ?

C’est à la naissance de mon premier enfant que j’ai découvert les ouvrages de Maria Montessori. Ce fut un coup de foudre et j’ai aussitôt souhaité me former à cette pédagogie. Dans un premier temps je n’avais aucun projet professionnel en tête, mais j’ai fait le choix de quitter le poste que j’occupais en Finance pour me consacrer à ma formation. Ce temps de liberté m’a beaucoup plu, j’ai donc décidé par la suite de ne pas revenir vers la Finance. C’est en constatant que cette philosophie était réduite à une méthodologie en école que j’ai voulu sensibiliser les parents à cette pensée éducative et m’adresser aux familles. Depuis, les choses ont bien évolué et les familles se sont emparées de cette pratique, je me réjouis de ce progrès !

Comment ça se passe chez toi avec tes enfants ? Es-tu une maman zen et patiente à toute épreuve ou bien t’arrive-t-il à toi aussi de perdre ton sang-froid ?

Je suis une maman patiente et à l’écoute de mes enfants avec qui j’ai une grande complicité et un lien de confiance très fort. Toutefois, comme tout le monde il m’arrive de perdre mon sang-froid et de me laisser emporter par mes émotions quand je suis fatiguée et moins disponible pour eux. Je ne cherche pas être une maman parfaite mais j’essaie d’être authentique. Quand il m’arrive de m’énerver je ne porte pas de culpabilité et je leur demande toujours pardon, sans exception.

On ne nait pas maman, on le devient : qu’est-ce qui est le plus difficile finalement quand on fait ses premiers pas dans la maternité et l’éducation d’un enfant ?

Il y a autant de réponses à cette question que de mamans ! Pour ma part, avec mon premier enfant tout était si naturel et si fluide, j’avais une telle confiance en notre relation, que ce que j’ai trouvé le plus dur c’est de faire valoir mes choix et pratiques auprès de mon entourage qui ne trouvait pas toujours très conventionnel ce que je mettais en place. Il faut savoir avoir confiance en son intuition sans se faire envahir par les avis extérieurs, ne pas chercher de méthode à tout prix mais choisir une conduite à tenir, celle qui nous permet de se sentir droite dans ses bottes, et bien dans ses baskets à la fois.

On a souvent l’impression que notre enfant est en conflit avec nous (pendant les repas, au moment du change, quand il faut s’habiller…) : est-ce que cette opposition est un passage obligatoire ?

Non, je ne pense pas qu’il s’agisse d’un passage obligatoire. Chaque enfant traverse des étapes de développement qui répondent à des lois universelles communes à l’espèce humaine pour lesquelles toute entrave entraîne une opposition de l’enfant. De nombreux conflits surviennent donc parce que l’adulte méconnaît ces lois de développement ainsi que les besoins profonds de l’enfant. Il existe par ailleurs un décalage temporel important entre l’adulte et l’enfant que nous devons intégrer si nous souhaitons une relation apaisée et confiante : l’enfant vit exclusivement dans l’instant présent, alors que l’adulte se projette et planifie. L’adulte doit revoir ses attentes en intégrant les besoins de l’enfant pour ne plus entrer en opposition permanente. En cas de difficulté, c’est bien entendu à l’adulte de faire un pas vers l’enfant et non l’inverse.

Quid des « caprices » ? Que signifient-ils ?

Je ne crois pas aux « caprices » tels qu’on les décrit pour les tout-petits, parfois même dès la naissance. Je pense que ce que l’on désigne « caprice » est le plus souvent l’expression d’une forte émotion (frustration, colère, tristesse…) quand l’enfant est en incapacité de se faire comprendre auprès de l’adulte ; quand l’adulte n’entend pas ses besoins ou n’arrive pas à accueillir ses émotions. Le mot « caprice » induit hélas souvent l’idée d’une manipulation ou d’une intention de manœuvre de l’enfant auprès de l’adulte. Je crois bien plus aux caprices des adultes qu’à ceux des enfants !

Est-ce que « éducation positive » veut dire « pas d’autorité » ? Et si non, comment avoir de l’autorité sans passer par les cris et le chantage ?

Non, l’éducation positive n’est pas synonyme de laxisme ! L’autorité parentale est souvent synonyme de domination ou de supériorité, à tort car l’autorité est la capacité à se faire respecter naturellement, sans intimidation ou menace. L’autorité d’un adulte est donc respectée seulement si un lien de confiance réciproque existe avec l’enfant. Je dirais que l’autorité parentale est la capacité à trouver les compromis qui satisfont les enfants ET les parents. C’est la capacité à s’interroger en permanence, à être créatif et à assurer la sécurité affective de son enfant pour lui donner droit à son insouciance.

Que faire face à une crise ? Se plier à son enfant ou s’imposer ? Et dans ce cas, où se situe la limite entre lâcher prise et laxisme ?

Je le disais précédemment, une crise d’enfant fait état de son incapacité émotionnelle à se gérer seul. Comme il ne s’agit pas d’une guerre, nul besoin de céder, nul besoin de s’imposer. Le rôle du parent est d’aider son enfant à se développer sereinement, aussi en cas de « crise », un parent doit pouvoir être en mesure de réconforter son enfant, le rassurer et le sécuriser jusqu’à ce que l’émotion soit digérée par son cerveau encore immature. Le lâcher-prise c’est la capacité à ne pas prendre les choses personnellement, le laxisme en revanche marque un désintérêt et un désengagement envers son enfant.

Comment ne pas perdre son sang-froid face à son enfant ?

Quand on est reposée et qu’on comprend les grandes lignes du développement d’un enfant, ses besoins-clés, nous optimisons notre capacité à rester zen. Je dirais que la meilleure pratique quand on risque de perdre son sang-froid est de faire un gros câlin pour apaiser tout le monde. On respire bien fort, on serre fort son enfant, on le sécurise et on se rend compte que tout ça, ce n’est pas très grave.

Une astuce pour les moments où on a vraiment besoin d’une soupape de décompression ?

Quand je connais mes limites et que je vois que j’ai peu de patience pour discuter, je me détends et lâche complètement. Dans ce cas j’utilise mon joker de « l’exception ». Parce qu’on a beau être constant, parfois on n’a pas suffisamment d’énergie pour déployer tout son savoir-faire de parent bienveillant, alors on dit que « Exceptionnellement », c’est possible de regarder la télé en mangeant un bonbon même s’il est 9h00 du matin. Et on en profite pour s’accorder un temps pour soi !

 

Diplômée de l’AMI (Association Montessori Internationale), Emmanuelle Opezzo est l’auteure du livre Vivre la pensée Montessori à la maison, ed.Marabout et fondatrice des ateliers Koko Cabane à Paris.