Vivre avec l’endométriose : comment soulager ses symptômes et agir sur les causes de la maladie ?

L’endométriose est une maladie chronique qui toucherait jusqu’à une femme sur 7 selon des études récentes. Encore mal connue et mal diagnostiquée, elle provoque de nombreux symptômes qui impactent la vie des patientes : douleurs, fatigue chronique, problèmes urinaires et digestifs, et dans 30 à 40 % des cas, elle peut être responsable d’une infertilité. Mais ces symptômes ne sont pas une fatalité, c’est le message que Bertille Flory transmet dans son livre : Endométriose, prendre le dessus sur la maladie (Rustica éditions). Patiente experte sur l’endométriose, formée à l’éducation thérapeutique, elle est aussi maman de trois enfants. Elle nous livre ses astuces et des ressources pour comprendre cette maladie, agir sur les symptômes et ainsi vivre mieux avec l’endométriose.

L’endométriose est-une maladie chronique, cela signifie qu’on ne peut en guérir, et que les traitements proposés visent à agir sur les symptômes. Quelle approche complémentaire proposes-tu dans tes accompagnements et dans ce livre ?

Mon approche consiste, en complément du suivi médical, à aider les femmes à trouver et à mettre en place différentes actions au quotidien, que ce soit en autonomie ou avec des thérapeutes qui proposent des soins de support (kiné, ostéopathie, phytothérapie, médecine traditionnelle chinoise, massage Arvigo, psychothérapie) pour agir concrètement sur la maladie que ce soit sur les symptômes ressentis ou sur les mécanismes supposés de son développement (microbiote, équilibre hormonal, inflammation, stress oxydatif, etc.).

Tu proposes aux femmes de devenir actrices et de reprendre le contrôle sur la maladie grâce à une approche de santé intégrative, qu’est-ce que ça signifie ?

Considérant la personne malade comme un acteur important dans la gestion de sa santé et des soins qu’il reçoit, la santé intégrative favorise des petites actions au quotidien pour maintenir ou rétablir la santé : alimentation, activité physique, gestion du stress et bien-être émotionnel.

La santé intégrative consiste également à allier dans son parcours de soin le meilleur de la médecine conventionnelle et des soins de support (appelés aussi thérapies complémentaires) pour améliorer son bien-être et sa qualité de vie avec la maladie chronique.

Il est inimaginable d’abandonner la médecine conventionnelle quand on a une maladie chronique. Et en même temps, les soins de support apportent de vrais bénéfices sur la qualité de vie avec la maladie. J’en veux pour preuve tous les parcours d’éducation thérapeutique qui se mettent en place dans les hôpitaux et qui proposent les deux approches. Elles sont inséparables quand on vit avec une maladie chronique.

La santé intégrative consiste enfin à privilégier les approches les moins invasives en première intention : elle choisit d’employer des interventions simples et naturelles avant de passer à celles qui sont plus coûteuses et interventionnistes.

Cela semble aller de soi quand on le lit mais c’est aujourd’hui encore peu développé dans le système de santé conventionnel.

Tu es devenue patiente experte après avoir éprouvé toi-même un certain nombre de méthodes et pratiques avec une efficacité spectaculaire sur l’endométriose dont tu souffres. Sur quoi repose le nouveau mode de vie que tu as adopté ? Quels en sont les piliers ?

On pourrait résumer mon nouveau mode de vie par le fait que je prends beaucoup plus soin de moi que je ne le faisais avant. Et ce sur tous les plans.

En effet avec l’arrivée de l’endométriose et les recherches et lectures que j’ai commencées à faire au moment du diagnostic, j’ai pris conscience que je malmenais mon corps que ce soit avec une alimentation trop industrielle et émotionnelle, un manque de sommeil ou un stress trop important…

Depuis le diagnostic en 2016, j’ai pris le taureau par les cornes sur différents piliers de mon hygiène de vie :
–       j’ai modifié profondément mon alimentation pour aller vers une alimentation avec beaucoup plus de produits bruts et de produits d’origine biologique,
–       j’ai supprimé au maximum les perturbateurs endocriniens de mon quotidien ;
–       je m’oblige à dormir un minimum de 8h par nuit ;
–       j’essaie de réduire mon stress même si clairement, c’est pour moi la partie la plus difficile ;
–       j’ai travaillé sur mes traumas et mes blessures avec une psychothérapeute et différentes techniques comme l’EMDR ou l’hypnose.

En complément, je mets en œuvre au quotidien une multitude de petits gestes qui sont entrés dans ma routine comme le fait de boire un verre d’eau tiède en me réveillant (conseil d’un thérapeute ayurveda pour soutenir le système digestif), de me brosser à sec, de faire du journaling pour coucher par écrit mes émotions, et plein d’autres choses encore.

Cela peut paraître très engageant voire contraignant. Et ça l’est en effet quand on regarde ça de l’extérieur et qu’on pense qu’il faut tout mettre en œuvre d’un coup. En réalité, cela m’a pris plusieurs années pour trouver la routine qui me convient et ainsi un équilibre.

Une alimentation qui combat l’endométriose, ça ressemble à quoi ?

Je préfère parler d’une alimentation qui soutient notre corps face à l’endométriose.

L’objectif est d’apporter à notre corps ce dont il a besoin pour faire face à la maladie. L’endométriose a une composante immunitaire importante. Les femmes qui ont de l’endométriose ont souvent des carences en vitamines, minéraux, etc. Il est important d’enrichir son alimentation en légumes (ceux à feuilles vertes et les brassicacées sont à privilégier), en bons gras (huile d’olive, colza, avocat), en oméga-3 (que l’on retrouve dans les petits poissons gras comme le maquereau, les sardines, les anchois ou le hareng), en protéines de qualité (surtout les viandes blanches et les œufs), en fruits (en privilégiant les fruits rouges très riches en anti-oxydants), en épices et en herbes aromatiques.

En somme, l’idée est de chercher à enrichir son alimentation par des aliments anti-inflammatoires et anti-oxydants et d’essayer de réduire les aliments pro-inflammatoires (sucre, laitages de vache, viande rouge de mauvaise qualité, gluten de mauvaise qualité, alimentation industrielle très pauvre en nutriments et souvent bourrée d’additifs).

On présente trop souvent l’alimentation pour l’endométriose comme une alimentation restrictive où il faut retirer énormément d’aliments. Je préfère la présenter comme une alimentation enrichie en nutriments qui soutient notre organisme.

Quelles autres pratiques conseilles-tu dans ton livre ?

Difficile d’apporter une réponse en quelques lignes à cette question tant la liste des pratiques à citer est longue : mon livre c’est 180 pages d’outils et d’astuces que j’ai utilisés durant mon parcours.

Cela fait 7 ans que j’ai été diagnostiquée donc j’ai eu le temps de mettre en place beaucoup de choses.

Cela va de la phyto-aromathérapie (tisanes et huiles essentielles) en passant par la pratique de postures de yoga, l’ostéopathie, la fasciathérapie, la neurostimulation électrique transcutanée (TENS), le CBD, les massages ancestraux comme le massage Arvigo ou le massage Tui Na, un soutien émotionnel régulier, et bien d’autre choses encore qui sont décrites dans le livre…

Tu insistes sur la nécessité de se connaître, d’observer son cycle, son corps, ses douleurs, pourquoi est-ce le point de départ de ton approche ?

C’est pour moi fondamental d’abord parce que cela permet de garder la main sur son parcours médical, qui peut être particulièrement sinueux avec l’endométriose. Fini le temps où la femme était (une) patiente au sens propre du terme. Connaître son corps, c’est devenir actrice de sa santé et de son bien-être par le fait qu’on peut mieux orienter les soignants en fonction de ce que l’on ressent et constate qu’il se passe dans son corps.

Par ailleurs, on lit plein de pistes intéressantes et de bonnes idées sur Internet, dans les livres ou sur les réseaux sociaux. Mais, bien souvent, ce sont des pistes générales et assez théoriques. Elles ne sont pas personnalisées. Connaître son corps, son cycle et ses douleurs, c’est pouvoir déterminer si ces pratiques sont faites pour soi, s’il faudrait les adapter pour qu’elles nous conviennent, etc.

Tu évoques aussi le rôle de nos émotions, leur impact sur la douleur et les crises d’endométriose, que sait-on sur ce sujet et comment « soigner » aussi cette dimension émotionnelle ?

Aujourd’hui, les études montrent qu’il y a des connexions très étroites entre notre système nerveux (siège de nos émotions), notre système hormonal (l’hypophyse et l’hypothalamus, deux glandes situées dans le cerveau qui constituent les tours de contrôle des activités endocriniennes, communiquent en continu) et notre système digestif (il y a 200 millions de neurones dans notre tube digestif). Quand l’un de ces systèmes est en déséquilibre, cela a des conséquences sur les autres.

On sait par exemple que l’anxiété a tendance à amplifier les douleurs d’endométriose.
On sait aussi que le fait d’anticiper la douleur va avoir pour effet d’augmenter la douleur effectivement ressentie.

D’ailleurs, un grand nombre de femmes vivant avec l’endométriose ont déjà expérimenté l’arrivée d’une crise après un moment de stress intense.

Ton livre propose une multitude de ressources et d’outils pour accompagner les femmes, comment choisir et trouver ce qui nous convient et nous soulage ?

La première chose est, comme indiqué plus haut, d’améliorer la connaissance de son propre corps, de son cycle et de ses douleurs.

Cette connaissance passe notamment par la mise en place du suivi de son cycle (pour les femmes qui n’ont pas de traitement hormonal) à la fois sur la température et la glaire mais aussi en tenant un cahier quotidien dans lequel on peut noter différents éléments : alimentation, quantité de sommeil, degré de stress, émotions vécues dans la journée et les symptômes associés. Cela peut permettre de trouver où se cachent les facteurs amplificateurs des symptômes et ensuite de choisir les outils pour les soulager.

Ensuite, il faut tester, ne pas avoir peur d’essayer et d’essayer encore. Potentiellement certains outils ne fonctionneront pas, ou pas tout de suite. Mais ils fonctionneront peut-être dans quelques mois. Et en attendant, il y en a certainement plein d’autres qui pourraient vous apporter du soulagement. Je crois vraiment que ce parcours avec l’endométriose nous demande d’être curieuse et de nous investir pour notre santé. C’est un vrai second travail à temps plein que d’avoir une maladie chronique. Cela peut être fatigant par moments c’est vrai mais quand les résultats arrivent, c’est tellement gratifiant. Vraiment, ne lâchez rien.

Bien entendu ces outils ne remplacent jamais un suivi médical régulier avec un médecin spécialiste de l’endométriose.

Tu es la preuve que l’infertilité liée à l’endométriose n’est pas une fatalité, quel conseil donnes-tu aux femmes atteintes d’endométriose qui cherchent à concevoir un enfant ?

J’aurais envie de donner plusieurs conseils car on se sent souvent bien seule dans ce parcours du combattant :
–       Trouver un gynécologue-fertiliste qui soit à la fois compétent et de confiance. C’est vraiment important de s’engager dans ce parcours de fertilité avec un professionnel de santé qui connaisse les implications de l’endométriose sur la fertilité et qui soit aussi à l’écoute de nos questions et de nos besoins. On peut avoir besoin d’en consulter plusieurs avant de trouver « chaussure à son pied » et c’est tout à fait ok !
–       Essayer autant que vous le pouvez de soutenir votre corps par l’alimentation, la micro-nutrition, un bon sommeil, une diminution du stress, des thérapies manuelles comme la kinésithérapie et l’ostéopathie et d’avoir un bon soutien émotionnel. Notre corps est mis à rude épreuve dans ce parcours : il est indispensable de le chouchouter parce que cela peut faire la différence.
–       Ne lâchez rien, ne perdez pas espoir ! Notre corps recèle bien des mystères notamment en termes de capacité d’auto-régénération, que même la médecine ne sait pas forcément expliquer. Un certain nombre de femmes réussissent à concevoir alors qu’on leur avait dit que c’était perdu, que l’endométriose avait gagné la partie.

Patiente experte sur l’endométriose, formée à l’éducation thérapeutique, auteure, conférencière et créatrice de contenus, Bertille Flory s’appuie sur son expérience de la maladie pour accompagner les femmes atteintes d’endométriose, pour découvrir son histoire, écoutez l’épisode de notre podcast que nous lui avons consacré.

Pour la suivre ou la contacter :
Le compte Instagram de Bertille Flory
Son site endholistic

Bertille Flory, Endométriose, prendre le dessus sur la maladie, Rustica éditions, février 2023.

 

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