Repérer, dialoguer, accompagner : le rôle des parents face au harcèlement scolaire

Repérer les signaux faibles quand un enfant vit une situation de harcèlement n’est pas toujours évident. Comment ouvrir le dialogue sans l’inquiéter ? Quelle posture adopter pour le soutenir sans agir à sa place ? Et surtout, comment lui donner les ressources pour développer confiance et autonomie ? Coralie Garnier, fondatrice du Sommet du harcèlement scolaire, partage des pistes concrètes pour accompagner les enfants et renforcer le rôle des parents dans la prévention.

Quels signes peuvent alerter un parent que son enfant vit peut-être une situation de harcèlement, même s’il ne le verbalise pas ?

C’est une question importante, car beaucoup d’enfants victimes de harcèlement n’en parlent pas. Il s’agit donc d’être à l’écoute de ce qu’on appelle les “signaux faibles”. Globalement, il s’agit de tout ce qui peut être un changement dans le comportement de l’enfant : des difficultés à dormir, de l’agressivité, un mal de ventre qui se répète, une perte d’appétit, des notes qui baissent, un isolement…
Il ne s’agit pas de paniquer au moindre changement, mais de faire attention à ouvrir le dialogue.

 

Dans votre expérience, quelle est la première chose concrète qu’un parent peut faire s’il pense que son enfant est victime de harcèlement ?

Dans une situation de harcèlement comme pour toutes les autres situations de la vie, la meilleure chose que puisse faire un parent, c’est montrer à son enfant qu’il est là pour le soutenir.
L’enfant peut avoir peur de la manière dont son parent peut réagir. Même avec les meilleures intentions du monde, les adultes peuvent être bien maladroits, et aggraver les choses. Le message clé à ne pas oublier est donc : “Je ne ferai rien sans que tu sois d’accord.”À ce moment-là, l’enfant a surtout besoin d’un allié.

Comment les parents peuvent-ils anticiper plutôt que réagir, sans tomber dans l’inquiétude permanente ?

Pour faire le lien avec les points précédents, c’est toujours une bonne idée de cultiver une communication ouverte, pour que l’enfant sache qu’il peut venir en parler. Plus concrètement, on ne peut pas protéger nos enfants de toute situation délicate, mais on peut les aider à développer leurs ressources pour y faire face. Savoir répondre aux moqueries calmement par exemple, en prenant du recul. Savoir distinguer ce qui est acceptable de ce qui ne l’est pas, pour eux et pour les autres.

Quelles compétences peut-on cultiver dès le plus jeune âge pour aider nos enfants à trouver leur place et éviter qu’ils deviennent victimes ou auteurs de harcèlement ?

J’aime cette question parce qu’elle soulève un point important : un enfant qui se sent bien à sa place aura plus de facilité à éviter les situations de harcèlement. Pour cela, je crois qu’il est important de justement laisser de la place à l’enfant, qu’il ait l’occasion de poser ses limites, de savoir dire non, tout en apprenant le respect de l’autre. Il me semble que c’est cette notion de respect mutuel qui est au cœur de la relation à l’autre.

Comment aider un enfant à développer sa confiance en lui pour qu’il puisse faire face aux situations difficiles, sans se sentir seul ou vulnérable ?

Un enfant développe sa confiance en lui quand il sent qu’il est capable d’agir. En tant que parent, nous avons un rôle à jouer là-dessus en lui laissant de l’autonomie, du libre arbitre, en l’encourageant à faire ses expériences, à voir l’échec comme une étape de l’apprentissage… Aidons nos enfants à se connecter à leurs ressources intérieures, à sentir, comme le disait Fany Ea dans la 1e édition du sommet du harcèlement scolaire, que “tout ce qui me rend unique me rend plus fort.”

Quand on est parent, comment passer du sentiment d’impuissance à une posture active et rassurante pour son enfant ?

Le sentiment d’impuissance découle de l’idée que notre rôle serait de résoudre la situation à la place de notre enfant. Que si l’on n’agit pas, si l’on ne trouve pas de solution immédiate, on ne fait rien. Ce n’est pas vrai. Ce dont souffre le plus un enfant harcelé, c’est de sentir seul. Être là pour l’entendre, pour recevoir sa souffrance, pour lui dire qu’on est à ses côtés, est un message très fort, et bien plus rassurant que ce que l’on peut croire. Alors, on peut aller chercher des ressources pour mieux comprendre ce qui peut aider. Attention : il n’y a pas de solution miracle unique ! Mais on peut mettre en place de petites actions, avec l’accord de l’enfant, de manière délicate. Se renseigner par exemple : y a-t-il un protocole mis en place à l’école ? Quelle serait la meilleure personne à laquelle s’adresser ?

Que faire, en tant que parent, face aux émotions fortes que cela peut générer : colère, peur, tristesse, culpabilité ?

C’est un point très délicat : nombre de nos comportements maladroits viennent d’une émotion qui déborde. Centrons-nous dès le départ sur l’essentiel : notre enfant. La priorité est d’être à l’écoute des émotions de nos enfants, même s’il n’est pas question non plus de négliger ce que cela nous fait vivre également. Prévoyez un temps pour accueillir également ce qui se passe en vous. C’est cet accueil et cette acceptation qui vous permettront d’avoir les ressources pour accompagner votre enfant.

Vous parlez souvent d’“action collective” : concrètement, comment les familles peuvent-elles agir ensemble, ou avec l’école, pour prévenir les situations de harcèlement ?

Je parle d’action collective, mais aussi, et surtout, du fait que le harcèlement est un phénomène systémique. Il ne s’agit pas seulement d’une problématique liée au contexte scolaire et des situations à traiter au cas par cas. Le harcèlement s’inscrit dans un environnement et une ambiance qui encouragent ou banalisent la violence ordinaire.
Tous les adultes peuvent donc agir sur deux plans :
– Le premier, c’est celui de la responsabilité individuelle et de la modélisation : comment parle-t-on des autres ? Quels commentaires laisse-t-on sur les réseaux sociaux ? Nous demandons-nous ce que peut ressentir quelqu’un face à une moquerie ? Tout cela se transmet au quotidien.
– Le deuxième est effectivement celui de la coopération entre établissement et familles.
Je crois au fait que les 2 mondes se rencontrent. Plus les relations seront bonnes entre les familles et les établissements, plus il sera facile de coopérer. Ce n’est pas dans la tempête, au moment où l’on souffre, que se construit la confiance, c’est avant.

Pourquoi est-ce si important que les parents soient impliqués dans la prévention, et pas seulement les établissements scolaires ?

Beaucoup de parents se sentent complètement dépassés et démunis en cas de situation de harcèlement scolaire, avec pour seule pensée – on peut les comprendre – que cette situation ne devrait pas être ! Le fait d’être sensibilisé, préparé, de savoir d’avance (avant d’être sous la vague de l’émotion) quelles sont les méthodes qui marchent ou qui ne marchent pas, comment réagir face aux jeunes etc… permet de désamorcer beaucoup plus vite ce qui peut déraper. Je crois que souvent, les adultes, par méconnaissance, aggravent les choses plus qu’ils ne les arrangent. Et c’est pour éviter cela que je travaille à faire en sorte que le phénomène du harcèlement scolaire soit mieux compris, mieux appréhendé par tous les adultes qui côtoient des jeunes, à travers le sommet du harcèlement scolaire.

 

Coralie Garnier est la fondatrice du Sommet du harcèlement scolaire, un événement 100% en ligne qui aura lieu du 1er au 7 octobre 2025. Accès gratuit, inscriptions en ligne sur ce lien.
Plus d’informations également sur le site Les 6 doigts de la main.