La vie, la mort : comment répondre aux questions métaphysiques de nos enfants ?

Maman, c’est comment quand on est mort ? D’ailleurs, pourquoi on vit puisqu’à la fin on meurt ? Et l’amour, ça sert à quoi ? Ces grandes questions, nos petits nous les poseront sans doute un jour. Pourquoi est-il important de ne pas les ignorer et comment répondre ? Éclairage du Dr Stéphane Clerget, pédopsychiatre et auteur de nombreux ouvrages dont le dernier, passionnant, est dédié à « L’intelligence spirituelle de votre enfant ».

Comment accueillir les questions existentielles de nos enfants sur la vie ou sur la mort ?

Déjà en étant heureux que des questions comme celles-ci soient posées ! Il faut avoir à l’esprit que lorsqu’un enfant nous interroge sur le sens de la vie ou sur la mort, ce n’est pas le signe d’une angoisse. Ces interrogations sont le reflet du développement de l’intelligence spirituelle des enfants : on assiste à un gros boum du développement cérébral entre 3 et 5 ans, puis à la puberté. Les questions fusent, parfois entre la poire et le fromage, parce que l’enfant ne contrôle pas toujours son ébullition cérébrale. Il y a bien sûr des situations qui génèrent les interrogations, mais il est parfois surpris lui-même par ces questions. 

Et si on est nous-même surpris par la question et qu’on n’est pas sûr de la réponse à lui apporter, que dire ?

La première chose à faire, c’est valoriser la question, dire qu’elle est intéressante, pour que l’enfant comprenne que sa curiosité intellectuelle est positive. On peut ensuite lui dire qu’on n’a pas toutes les réponses (ou pas le temps à cet instant précis), mais qu’il sera possible d’en reparler plus tard. On peut aussi commencer à expliquer les choses en parlant à hauteur d’enfant. Attention à ne pas parler trop longtemps, l’enfant risque de décrocher. On essaie d’être succinct ! On peut avoir une réponse pertinente à apporter, la vivacité d’esprit ou la capacité métaphorique pour donner un élément de réponse avec peu de paroles. Sinon, l’important c’est surtout de dire qu’on est d’accord pour répondre à la question car elle est intéressante. On peut aussi lui proposer d’en parler avec d’autres personnes, de regarder dans un livre. 

Comment ne pas transmettre ses angoisses à ses enfants ?

Les enfants ne sont a priori pas angoissés par ces questions. Ce qui peut éventuellement les angoisser, c’est d’abord l’absence de réponse de la part des parents. Si on refuse de répondre ou que notre réponse révèle notre angoisse, cela peut créer une inquiétude chez eux. Mais cela va, surtout, soit les décourager à se poser ce type de questions, soit au contraire les encourager à creuser. Ils ont constaté que cela nous faisait réagir et comprennent donc qu’il y a quelque chose derrière. Pour éviter de leur transmettre nos angoisses, une réponse sincère peut suffire. Elle les apaisera momentanément. Puis ils reviendront : n’oublions pas qu’ils ont toute la vie pour répondre à ces interrogations. 

Est-ce qu’on peut dire qu’on ne sait pas ?

On peut dire qu’on ne sait pas. Mais il faut ajouter que l’on va réfléchir et faire en sorte de trouver une réponse. Après avoir apporté un début de réponse, on peut aussi demander à l’enfant ce qu’il en pense lui aussi et créer un échange. 

Faut-il se préparer à ces questions lorsqu’on est jeunes parents ?

Oui ! Sur ces grandes questions, il mieux vaut avoir soi-même quelques éléments de réponse. Pas seulement sur la mort heureusement. Mais sur tout ce qui est infini ou invisible, comme l’amour, la vérité… Mieux vaut avoir fait un point puisque de toute façon, les enfants vont soulever ces questions. 

Certains enfants posent beaucoup de questions métaphysiques. C’est le cas des enfants dits à « haut potentiel », mais pas seulement. Comment satisfaire leur insatiable curiosité ?

On ne peut pas toujours répondre à toutes les questions. On peut en revanche les écouter et proposer à l’enfant d’en faire quelque chose : les noter, par exemple, si l’enfant est en âge d’écrire.
Notre manière de répondre à ces questions contribue à cultiver l’intelligence spirituelle de nos enfants. Il ne s’agit pas de toujours trouver une réponse explicative. Certaines questions en ont, on peut les trouver dans une encyclopédie. Pour les autres, si un enfant nous questionne sur l’amour par exemple, on peut lui proposer en guise de réponse de faire un dessin, d’écrire une chanson, de cuisiner un gâteau d’amour… ou tout autre réponse métaphorique.
L’idée est de tout faire pour que la question nous fasse avancer : qu’elle nous pousse à lire un livre, à regarder un film, à observer les fourmis, ou à rencontrer des gens… En somme, il faut que ces questions-là nous poussent à la vie !  

Cette préoccupation de cultiver l’intelligence spirituelle de nos enfants semble assez nouvelle. Nos parents et nos grands-parents s’en souciaient-ils ? 

On ne se posait pas tant la question. Autrefois, on considérait que le domaine de la spiritualité s’inscrivait dans le cadre de la religion. Mais surtout, l’intelligence spirituelle se développait par elle-même, quand les enfants étaient au contact de la nature. Il y avait un autre rythme. Quand on est assis dans un champ face à un coucher de soleil, avec le bruit des oiseaux, et qu’on n’a ni téléphone ni cartes Pokémon dans la main, on est un peu obligé de se laisser aller à l’infini. Aider son enfant à développer son intelligence spirituelle, c’est aussi la laisser se développer toute seule, en le laissant jouer, seul et dans la nature.
Ce qui vient interrompre ça, c’est le consumérisme, c’est tout ce qui empêche l’enfant de se poser et de se confronter à des choses qui le dépassent. L’intelligence spirituelle aide l’enfant à être à l’aise avec lui-même et avec le monde. Cela lui permet de tenir dans la salle d’attente du médecin pendant 15 minutes en échangeant tranquillement ou en lisant un magazine. En tout cas sans écran. Ce que trop peu d’enfants savent faire aujourd’hui… 

L’intelligence spirituelle de votre enfant – La révéler, la développer , Dr Stéphane Clerget aux éditions Leduc. 

Crédit photo : BellyBalloonPhotography