« Se re-trouver mère », de Barbara Van Vlamertynghe : lumière sur l’accompagnement émotionnel de la maternité

Il y a des métiers qui naissent d’une vocation ou d’une passion. Barbara Van Vlamertynghe a presque inventé le sien, cumule ses compétences, sa formation, sa sensibilité et sa capacité d’écoute pour les mettre à la disposition des futures et jeunes mamans. Infirmière diplômée en psychologie périnatale, elle est devenue consultante auprès des femmes après avoir longtemps exercé en maternité : elle leur propose un accompagnement émotionnel tout au long de la grossesse, du post-partum ou d’un parcours de PMA. Dans son premier livre Se re-trouver mère (Éd. First), elle dévoile la relation et les histoires très fortes qu’elle partage avec ses patientes, l’occasion d’éclairer nos propres parcours de mères.

Après plusieurs années à écouter les femmes quand elles deviennent mères, comment est née l’envie de raconter ces histoires ?

C’est grâce à l’une de mes patientes, Amandine Gombault, qui est journaliste. Elle a fait appel à moi pour les problèmes de sommeil de son bébé, et six mois plus tard, m’a recontactée pour me dire qu’elle n’avait jamais connu une telle expérience d’accompagnement et qu’elle aimerait que ma méthode soit connue. Elle m’a proposé ce projet d’écriture, pris rendez-vous avec les éditions First, et c’était parti. Elle est la directrice d’ouvrage et la première relectrice de ce livre.

Comment as-tu choisi les témoignages à mettre en lumière ?

J’ai choisi les patientes que je connaissais le mieux, avec qui j’ai tissé un lien très fort, pour la diversité de leurs histoires et l’espoir que leur récit pourrait insuffler aux lectrices. Elles ont accepté de témoigner, de dévoiler leur vérité et leur intimité.

Infirmière et consultante en périnatalité, comment décrirais-tu ton métier et ce qu’il apporte aux mères ?

Mon rôle est de soutenir les émotions : les angoisses liées à un parcours de PMA ou une grossesse, la dépression pré ou post-natale, le deuil périnatal, etc. Ma première question est toujours : « Comment allez-vous aujourd’hui ? » C’est, selon moi, la base.

Ensuite, je guide mes patientes en leur donnant un espace de parole pour dédramatiser et déculpabiliser, ouvrir la porte à tous les possibles, (re)prendre confiance, ne pas se juger, je leur donne aussi des conseils sur le sommeil, l’allaitement, le rythme et les besoins du bébé. Le motif de consultation peut-être une souffrance mais aussi des questionnements sur toute étape du devenir maman.

Pourquoi l’accompagnement émotionnel te tient tant à cœur ?

Parce qu’il est parfois ignoré, alors que la grossesse psychologique est aussi intense que la grossesse physique. Identifier une émotion et la dire permet de la prendre en charge et d’alléger les pensées et les angoisses des futures et jeunes mamans.

Dans le livre, je raconte l’histoire de ma propre mère, qui a vécu une dépression du post-partum à la naissance de son troisième enfant. Sans diagnostic ni soins, elle a souffert d’angoisses très violentes et de difficultés pour créer le lien avec son bébé. J’ai été profondément marquée par sa souffrance, j’avais 9 ans à l’époque, et c’est ce qui a déclenché mon envie profonde d’aider les mamans.

Au fil de tes rencontres avec les futurs et jeunes parents, qu’est-ce que tu observes sur leurs attentes, leurs préoccupations et la façon dont ils sont suivis au cours de la grossesse et du post-partum ?

Je vois beaucoup d’inquiétudes, d’intellectualisation et d’oubli de la nature. Ils ont besoin d’être encouragés, d’apprendre à se faire confiance, à quitter leur cerveau pour retrouver leurs tripes. Dans le livre, je raconte l’histoire d’une maman (« Alex, l’instinct d’une maman lionne ») qui était de nature à vouloir tout contrôler, et qui a eu un déclic quand elle est devenue mère : une évidence s’est installée en elle, elle a laissé son corps ressentir, vibrer et cela a créé une confiance maternelle incroyable qui ne l’a jamais quittée. C’est apaisant de faire confiance à ce que l’on ressent et on a tendance à l’oublier quand on cherche à tout maîtriser.

Est-ce qu’il y a des traits propres à notre génération ?

Oui ! Particulièrement celui de ne pas suivre la vague de tous les changements qu’un bébé apporte : physiques, sexuels, émotionnels, mais aussi bouleversements de rythme, d’équilibre pro et perso… Beaucoup de parents essaient de lutter contre ces changements et cela crée du stress, de la frustration, de blocages.

Aller dans le sens de la vague est salvateur et évite beaucoup de souffrance. Le témoignage d’Alexandra « Quand la maternité fait naître une philosophie de vie » dans le livre l’explique très bien : « Si tu décides que c’est contraignant, ça l’est, si tu décides que ça va être un moment de partage et de joie, ça va l’être », cette phrase vaut pour tous les âges, et invite tout simplement à ne pas subir, à se dire qu’on est en train de se créer des souvenirs et de donner des racines fortes à nos enfants.

Je pense aux futurs pères qui ont longtemps été laissés de côté dans un rôle de spectateur, comment cherchent-ils aujourd’hui à s’impliquer dès la grossesse ?

Je parle avec beaucoup de pères et de grands-pères. Les temps ont beaucoup changé et leur a offert plus de place. Ils sont plus présents lors des examens médicaux, des séances de préparation à l’accouchement, en salle de naissance, le congé paternité allongé leur permet aussi de veiller sur leurs conjointes et le bébé. Ils ont ainsi plus de temps pour se glisser dans leur nouveau rôle. Pour autant, ils ont parfois des difficultés à suivre les ascenseurs émotionnels des mamans. Beaucoup m’ont d’ailleurs confié à la sortie du livre qu’ils en avaient appris beaucoup sur l’histoire de leur conjointe et les avaient mieux comprises.

Tu es maman de trois enfants, tu as vécu plusieurs PMA, comment ton parcours de mère nourrit ton accompagnement auprès des femmes ?

Mon parcours personnel m’a donné la faculté de toujours croire en la vie, au bonheur, en la force de chacune, en nos ressources, en leurs énergies solaires.

J’ai des grands, mon fils a quitté la maison pour commencer ses études. Une claque qui m’apprend beaucoup et je suis aussi très fière et heureuse de les voir grandir. C’est double et ambivalent comme toujours. Je n’y échappe pas. Humblement, j’aime penser et dire que nous ne cessons jamais de devenir maman.

Peux-tu citer un passage du livre qui te touche particulièrement ?

« La maman normale selon Astrid tombe d’amour, pleure, tremble, a peur, hurle de joie, ne travaille pas, ne peut pas se séparer de son bébé, ne fait que penser à lui, fait tout pour lui, se meurt derrière la porte de la nounou, ne crie jamais, n’a jamais besoin d’être seule, se mue en louve ou en poule, et j’en passe. Je ne connais aucune maman « normale » : je connais des mamans qui essaient, qui expérimentent, qui se plantent parfois.

La confrontation à la réalité a été violente et très déstabilisante, pour Astrid. Pourtant cela est très commun, car il est rare (mais ça arrive et tant mieux !) que tout colle à nos rêves de bonheur.

Entrevoir l’idée qu’il pouvait y avoir de la place pour tout le monde, pour toutes les sortes de mamans, les folles d’amour, les stressées, les organisées, les fusionnelles, les larguées, les documentées, les nonchalantes, les au foyer, les au boulot, les dépassées… a ouvert une porte salvatrice, réconfortante et rassurante à Astrid. »

Quel est le conseil que tu donnes le plus souvent aux futures et jeunes mères ?

D’être celles qu’elles ont envie et besoin d’être et pas celles qu’il faudrait être.