Confidences de maman : « j’ai accouché prématurément, mon mari au bout du monde »

Quand son mari part en déplacement professionnel alors qu’elle est enceinte de 7 mois, Ludivine est sereine : son terme est dans deux mois, elle n’est pas encore en congé maternité et est même contente de profiter d’un peu de temps seule pour prendre soin d’elle. Mais l’imprévu s’invite le 18 novembre… Ludivine nous livre son témoignage touchant.

« Mon mari et moi sommes en couple depuis bientôt dix ans, avec une vie professionnelle à mille à l’heure, nous avons pris notre temps pour avoir notre premier enfant. En 2017 nous avons décidé que nous étions prêts ! Tout est allé très vite, je ne pouvais pas être plus heureuse, la vie me donnait ce que j’espérais tant, et cerise sur le gâteau, sans difficulté. Mon début de grossesse a été un peu plus compliqué que je ne l’avais imaginé : en effet il s’agissait d’une grossesse gémellaire et l’un des deux petits protégés s’en est allé…

Ma grossesse s’est ensuite déroulée de manière quasi normale, j’étais malade du début jusqu’à la fin mais je n’avais pas de « vrais problèmes ». Nous avions anticipé le dernier déplacement professionnel de mon mari à l’étranger au 7e mois pour, comme on se le disait, « assurer le coup », au cas où le bébé viendrait un peu plus tôt que prévu. Mais évidemment, rien ne s’est déroulé comme dans nos plans.

« Ma sœur me conseille de me rendre aux urgences, quelle bonne blague ! »

Le vendredi 18 novembre 2017, je ne suis pas encore en congé maternité, je vais nager avec mon amie Marion l’après-midi. J’avais eu mon mari la veille au téléphone et je lui avais assuré que j’étais en forme, que tout allait bien, il avait raccroché rassuré… Et puis le soir tombe, je suis fatiguée mais pas vraiment comme d’habitude, je me dis que la piscine m’a vraiment épuisée, et je décide d’aller au lit un peu plus tôt. À 21h, je suis bien au chaud sous ma couette ! Impossible de m’endormir, j’ai mal au dos, je n’arrive pas à trouver une position confortable… Je me tourne, me retourne. J’écris à ma sœur (qui est maman deux fois) pour lui dire que ce soir je ne suis pas en grande forme.

Les heures défilent, je me lève x fois pour aller faire pipi, j’ai toujours terriblement mal au dos, je m’agace me disant que mince alors j’aimerais bien dormir. Puis je me fais pipi dessus dans le lit… C’est le pompon ! Je continue de me plaindre à ma sœur, en mode c’est quand même pénible. Son point de vue est moins terre à terre que le mien, elle me conseille de me rendre aux urgences. Quelle bonne blague, je suis à 34 semaines, nous sommes le 18 novembre et je suis censée accoucher le 10 janvier, pourquoi aller « embêter les urgences ». Je me convaincs que ça va passer, que je vais m’endormir. Vers minuit, les douleurs dans le dos s’intensifient. En l’absence de mon mari, et vu que nous habitons loin de nos familles respectives, c’est mon amie Anaïs (ma témoin de mariage) qui est identifiée comme la personne à joindre en cas d’urgence et qui a mes clefs de maison. Cette nuit-là, impossible de la joindre, je me dis que c’est bien la preuve que je n’ai pas besoin d’embêter quelqu’un en pleine nuit, ça va passer ! Le hasard fait que je reçois un sms de Marion avec qui j’étais allée nager, nous avions convenu d’un rdv le lendemain et elle m’envoie tardivement un texto pour me le confirmer… Elle est donc réveillée, je saute sur l’occasion pour l’appeler : les douleurs sont de plus en plus vives et je commence à m’inquiéter, seule à la maison.

Elle demande alors conseil à sa sœur qui est gynécologue obstétricienne. La conclusion de cette dernière est claire : aller aux urgences au plus vite.

« Je ne peux pas accoucher ce soir, mon mari est à l’autre bout du monde ! »

À partir de là, tout va très vite, trop vite, c’est le tourbillon ! (J’ai le ventre un peu serré de me remémorer tout cela…)
Nous arrivons aux urgences de la clinique où je suis suivie. Marion est infiniment rassurante, elle a accouché il y a deux mois jour pour jour, le 18 septembre dans ce même établissement, elle m’explique posément les choses. Une sage-femme pas vraiment aimable s’occupe de moi et me dit posément que je vais accoucher ce soir. « Quoi ? Ce soir ? Mais c’est impossible… Ce n’est pas le bon moment, et mon mari est à l’autre bout du monde ! »
Je ne comprends pas tout, je pleure et n’arrive pas à prendre la mesure de ce que signifie cet accouchement prématuré. C’est mon premier enfant, je n’avais même pas commencé les cours de préparation à l’accouchement, je n’étais pas encore en congé maternité, c’est une sacrée claque.

La sage-femme m’explique en effet que ce mal au dos ce sont des contractions (moi qui croyais que c’était dans le ventre les contractions !) et ces pipis sans cesse sont en fait une fissure de la poche des eaux.

Je suis transférée à l’hôpital le plus proche, qui est un niveau 3, c’est-à-dire disposant d’une réanimation et des moyens nécessaires pour accueillir un bébé né prématurément. Par chance ce soir-là, il y a de la place, je reste donc dans ma ville bien que cet hôpital me soit complètement étranger.

« Je suis dans un état second, dépassée par cet accouchement surprise »


L’accueil de l’hôpital est fantastique, l’équipe de nuit est d’une gentillesse incroyable, tout va très vite, sauf la pose de la péridurale. Étant à 34 semaines, je n’ai pas encore fait les examens préalables à la péridurale, le temps de les faire et d’attendre le retour du labo… Je souffre le martyre ! Toujours dans les reins, j’ai l’impression que mon dos se brise à chaque contraction. Je suis dans un état second, complètement dépassée par cet accouchement surprise et à la fois extrêmement accrochée au moment présent parce que je n’arrive pas à joindre mon mari. Lui qui est normalement toujours joignable, cette nuit-là c’est mission impossible. In fineon y arrive une fois en salle d’accouchement, je peux lui parler, il choisit le prénom parmi notre petite liste. Tout s’enchaîne, la péridurale est posée très tardivement, on m’explique qu’un accouchement prématuré doit être plus rapide pour préserver le bébé, j’ai 20 minutes pour y arriver sinon … Je ne sais pas. Je suis installée dans une immense salle, il y a plein de médecins et de personnel médical qui sont là au besoin. Marion me tient la main, avec tellement d’émotion pour nous deux. Au bout de 18 minutes, la sage-femme me dit que j’ai encore une seule poussée, je demande à ce qu’on m’explique à nouveau ce que je dois faire. J’essaie d’être hyper concentrée. Et au petit matin Hoxence est né. Il est si petit à mes yeux, à peine le temps de le sentir contre moi qu’il part en soin, on m’explique qu’il est transféré en réanimation pour insuffisance respiratoire.
Au milieu de cette nuit de tourment, l’essentiel a été oublié ! Personne ne m’a expliqué ce que signifie une naissance prématurée, c’est un monde inconnu pour moi, je n’en connais pas les risques, je ne suis absolument pas prête, certes c’est le principe de l’inattendu mais tout de même.

« J’étais devenue maman, pas dans les conditions optimums, mais mon fils était né »

Dans la nuit, durant le travail, ma maman a pris la route, mes amies se sont relayées pour récupérer mes affaires (et sortir le chien enfermé dans la maison !). Ma maman prend le relais de Marion après la naissance d’Hoxence. Le temps devient interminable, 5h d’attente en salle d’accouchement pour recevoir les soins et me faire recoudre, sans aucune nouvelle d’Hoxence. J’ai attendu plus de 5h pour le revoir, mon tout petit, comme si à distance mon cœur battait déjà au diapason du sien, j’étais devenue maman. Pas dans les conditions optimum, mais j’étais maman, mon fils était né. Difficile à réaliser.
Ma maman m’a conduite sur mon fauteuil en réanimation néonatale, j’ai découvert Hoxence dans une grande chambre (c’était la chambre gémellaire… drôle de hasard), son incubateur au milieu, des machines partout, des lumières, des bruits, un univers parallèle et qu’on n’ose imaginer. Les soignantes m’expliquent que je ne peux pas le prendre, ni le caresser, qu’il est trop sensible, je peux poser mon doigt sur lui simplement. Il est intubé, branché… Nu avec sa minuscule couche.

Mon mari rentre en France le lendemain de la naissance d’Hoxence. Cela fait 2 mois que nous nous sommes vus et nous nous retrouvons là, devenus parents, avec un protocole sanitaire pour qu’il découvre notre petit garçon… Et pourtant, malgré tout, l’émotion est immense. Nous sommes submergés par cet amour inconditionnel qui nous dépasse, par cette rencontre à trois.

Des câlins en peau à peau

Les jours vont défiler, un peu plus d’une semaine en réanimation puis la même chose en service de néonatologie. Hoxence progresse de jour en jour, malgré des hauts et des bas, nous sommes là de l’ouverture à la fermeture du service. Nous le câlinons en peau à peau toute la journée, nous rencontrons des professionnels fantastiques, des filles passionnées par leur métier dans des conditions pas toujours simples, des parents que nous croisons tous les jours au sas de « décontamination » avec pour certains des histoires de vie bien plus difficiles que la nôtre. Le monde de la prématurité et de la grande prématurité s’ouvre peu à peu à nous. Vient le jour où Hoxence sort de l’hôpital, encore si fragile à nos yeux, il est venu l’heure de lui présenter sa maison, sa chambre : notre vie « normale » ensemble commence.

La chance d’avoir du temps

Aujourd’hui Hoxence a 13 mois, avec du recul je suis convaincue mille fois que la naissance d’Hoxence dans des conditions particulières nous a offert une chance indéfinissable : celle d’avoir le temps. Cela va peut-être vous faire sourire pour une naissance qui n’a pas pris son temps, mais ces deux semaines en réanimation et en néonatologie nous ont donné le temps de la découverte. Nous étions coupés de toute considération quotidienne, nous étions dans notre bulle avec Hoxence, à le regarder pendant des heures, lui parler, lui raconter, le câliner tout en découvrant les premiers gestes, toutes ses petites premières fois insignifiantes pour une grossesse à terme mais tellement importantes pour nous. Le premier bain enveloppé, le premier mini biberon, les premiers échanges de regards, la première fois que nous l’avons habillé…
Ce sont des souvenirs qui deviennent jour après jour notre force, malgré la douleur d’une situation imprévue et inexpliquée. Hoxence est aujourd’hui en pleine forme. Marion est devenue sa marraine, elle m’a avoué avoir vécu cette nuit-là des émotions aussi fortes que pour son propre accouchement. Pour fêter cette sacrée histoire qui nous unit, nous avons couru tous les trois mon mari, Marion et moi le marathon du Médoc en septembre dernier.

Crédit photo : bady qb / Unsplash