Terrible two : comment gérer la crise des deux ans ?

C’est au moment où l’on commence à s’installer dans son rôle de parent que ce petit tsunami s’invite dans notre quotidien familial. Le bébé que l’on regarde s’éveiller avec amour depuis deux ans se met à dire non, à froncer les sourcils, à s’opposer à tout ce qui vient des adultes et à piquer des colères face auxquelles on se retrouve complètement démunis. Heureusement le Terrible two n’est pas si terrible pour tous les enfants et surtout, il fait partie de ces crises normales et nécessaires pour la construction de leur identité. Pour comprendre et faire face à la crise des deux ans, on a demandé quelques éclairages à Laetitia Truelle, psychologue et fondatrice de la Cabane bleue, lieu d’accueil et d’écoute pour enfants et parents à Paris.

Qu’est-ce qu’on appelle le Terrible two ? Mythe ou réalité ?

C’est une réalité, il y a bien une période plus sensible et plus forte en émotions autour de deux ans. On peut laisser le mot « terrible » à l’appréciation de chacun, mais bien souvent les parents reconnaissent leur vécu dans ce mot… Parce que c’est une période aussi bouleversante pour les parents que pour l’enfant, qui ébranle les fondations qu’on a commencé à poser, qui exige de se repositionner. Pour l’enfant, il s’agit d’un débordement d’émotions qu’il ne sait pas maîtriser. Pour les parents qui cherchent à trouver des réponses, il y a aussi des émotions en jeu : colère, fatigue, culpabilité, remises en question, etc.

Pourquoi deux ans ? Est-ce que cela peut arriver un peu plus tôt ?

Oui, cela peut commencer vers 18 mois, souvent juste après l’acquisition de la marche.  L’enfant a alors plus de marge de manœuvre pour explorer et c’est une période dense au niveau du développement psychique. Du fait d’être debout, il acquiert un nouveau positionnement, il devient un petit individu et il veut s’affirmer en tant que tel. Il entre dans cette phase où il perçoit qu’il a une capacité de décision. Bien sûr il l’avait déjà un peu expérimenté, mais là il en prend fortement conscience. C’est aussi une période où l’on va lui poser plus de limites : on va limiter ses découvertes, limiter ses plaisirs, le faire patienter, dire non. Il entre ainsi dans le principe de réalité où tout n’est pas possible et où il n’est pas le centre du monde.

Combien de temps dure cette « crise des deux ans » ?

Évidemment il n’y a pas de vérité absolue. Ça peut aller jusqu’à 4-5ans. L’acquisition de la parole aide dans cette période car cela permet à l’enfant d’exprimer ses émotions au lieu d’agir, de dire les choses ou au moins se faire comprendre au lieu de taper ou de se rouler par terre. Petit à petit l’enfant va intégrer les limites qu’on lui donne et va chercher ailleurs une satisfaction : nouer des amitiés à l’école, développer des jeux d’imagination (se raconter des histoires, se déguiser…) pour vivre les choses qu’il ne peut pas vivre dans la réalité. Dans ses histoires, il n’y a pas de limites. Entre 2 et 5 ans, il rêve d’être comme les parents, mais doit faire face aux règles qui brident ce sentiment d’être grand, il se reconnaît petit, pas si puissant, et on lui rappelle sans cesse qu’il est petit. Il va donc chercher ailleurs des façons de grandir.

Comment identifier le Terrible two ?  Est-ce que tous les enfants le traduisent de la même façon ?

Cela se traduit pour tous par une manifestation d’opposition. D’un enfant à l’autre il y a des points communs, ce qui varie c’est l’intensité et la fréquence de l’opposition.

Il peut y avoir différents types d’opposition : se rouler par terre, bouder, piquer une grosse colère de temps en temps ou se montrer grognon tout le temps, réclamer de l’attention en permanence. Cette opposition n’est pas consciente. Ce que veut l’enfant c’est choisir, être grand, faire comme les adultes. Il veut faire tout ce qu’il aime et prolonger ces moments.

Faut -il s’inquiéter si on ne voit pas venir cette crise des deux ans ?

Il faut surtout se dire que c’est normal lorsque ça arrive. Car cela correspond à une période habituelle du développement, elle est utile car l’enfant apprend à se situer. Dans le cas contraire on peut se questionner si un enfant n’exprime aucune opposition, peut-être a-t-il trop peur de ne plus être aimé ? Un enfant trop sage peut nous interroger…

Comment savoir si notre enfant va trop loin, comment faire si l’on se sent dépassé ?

Il faut se faire confiance, se fier à ce que l’on ressent. Si on est débordé et qu’on ne sait plus donner de réponse satisfaisante pour l’enfant ou pour nous, peut-être qu’un regard extérieur pourra aider, ne serait-ce que pour être rassuré, validé.

Justement comment répondre à ces colères et à toutes ces formes d’opposition ? Faut-il se montrer plus patient, plus compréhensif, ou faire preuve de plus d’autorité ?

La réponse est liée à chaque famille et à chaque relation parent-enfant. Mais il est certain que les enfants ont besoin qu’on reconnaisse leurs émotions : on peut se montrer compréhensifs face à ce qu’ils vivent intensément : la colère, la tristesse, la jalousie, la peur, etc. On peut leur dire que l’on prend au sérieux leurs émotions, et faire en sorte surtout qu’ils ne se perçoivent pas comme faibles ou pas compétents. En revanche, notre discours doit aussi maintenir des limites qui sont les tuteurs de leur apprentissage de la vie en société, la vie réelle, parce qu’une vie sans contraintes, ça n’existe pas ! C’est le moment de leur apprendre le compromis, alors qu’ils étaientt jusque-là dans la satisfaction immédiate.

Quels conseils donnez-vous aux parents qui viennent à la Cabane bleue et qui sont en plein dans ce fameux terrible two ?

Pour les aider à réagir en cas de crise, je leur dis que leur enfant a surtout besoin d’aide pour gérer l’afflux émotionnel, trop intense pour redescendre par lui-même. Dans ces moments il aura besoin de la proximité de l’adulte, de son doudou ou de sa tétine. Ce qu’il dit dans sa colère c’est « je veux être un adulte ». Le raisonner ne sera pas forcément efficace, car son désir n’est pas rationnel, l’émotion déborde ses capacités de gestion de cerveau ; mieux vaut donc intervenir au plan émotionnel. Si la proximité ne fonctionne pas, on peut prendre de la distance, lui proposer de se calmer chacun de son côté. L’idée c’est qu’il ne voie pas cela comme une punition. On peut lui dire : « si tu as besoin de faire un câlin tu peux revenir, je suis disponible ».

Le parent débordé peut avoir besoin de s’éloigner, aussi, souffler, il n’y a pas que les émotions de l’enfant à prendre en compte ! Être là pour lui demande d’être un peu apaisé. Je répète aussi aux parents que tout ne peut et ne doit pas être parfait chez l’enfant et avec ses parents, les imperfections de sa famille lui donneront envie d’aller vers l’extérieur, de rechercher d’autres relations, cousins, parrain, copains, etc. On ne peut pas être un parent parfait et c’est tant mieux pour nos enfants !

Quelques phrases magiques à utiliser face aux colères de nos enfants :

« Je comprends ce que tu ressens, mais il y a telle règle et on ne peut pas la changer. »
« Je vois bien que tu es en colère, tu as peur, etc. »
Et au lieu de lui donner un ordre, lui proposer un choix :
Plutôt que « Mets ton manteau ! », « Tu préfères mettre ton manteau ou ton bonnet en premier ? »

Quelques lectures pour traverser le Terrible two : rassurer son enfant, favoriser l’apaisement, nommer les émotions, identifier la peur derrière la colère…

Grosse colère, de Mireille d’Allancé, l’Ecole des Loisirs
La couleur des émotions, Anna Llenas, Quatre Fleuves
Va-t’en grand monstre vert ! Ed Emberley, Kaléidoscope
On ne peut pas de Jeanne Ashbé, l’Ecole des Loisirs
Les colères, Catherine Dolto, Gallimard Jeunesse Giboulées
Dire non, Catherine Dolto, Gallimard Jeunesse Giboulées 

Un peu de théorie pour les parents :
L’enfant de 2 à 6 ans, Vie affective et problème familiaux, de Myriam David, Dunod

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Credit photo: Bruno Nascimento x Unsplash