Maman, comment on fait les bébés ?  Ou comment parler de la sexualité aux enfants

Satisfaire la curiosité naturelle de nos enfants sur les interrogations liées à la sexualité nécessite parfois de composer avec notre éducation et notre histoire personnelle. Pour nous aider à répondre sereinement à cette grande question qui nous sera posée (et reposée), nous avons demandé conseil à Catherine Dumonteil-Kremer, pionnière du mouvement de la parentalité positive et créative en France.

Comme les questions sur la mort, celles liées à la sexualité nous prennent parfois de court… Comment faut-il y répondre selon vous ?

La question est relativement simple mais, en effet, il est parfois difficile d’y répondre car elle provoque de la gêne chez beaucoup de parents : il y a encore beaucoup de tabous autour de la sexualité. Si l’on sait répondre immédiatement, d’une manière simple, c’est très bien. Si l’on est gêné en revanche, nos enfants peuvent s’imprégner de cette gêne et l’associer à la sexualité.

Concrètement, à la question « comment on fait les bébés ? », on répondra bien entendu avec moins de détails à un enfant de trois ans qu’à son aîné de sept ans. Si le plus jeune se contentera sans doute de savoir que le papa dépose une graine dans le ventre de la maman, le plus grand voudra certainement en savoir davantage sur le mode opératoire… On peut simplement lui dire que lorsque l’on est amoureux, on se fait parfois un gros câlin au cours duquel le sexe de l’homme se gonfle avant d’entrer dans le vagin de la femme. Parfois, deux graines se rencontrent dans l’utérus de la maman et formeront un bébé. Côté vocabulaire, il ne faut pas hésiter à employer les vrais mots : un enfant, même lorsqu’il a trois ans, a le droit de savoir qu’il a un pénis et des testicules, ou un clitoris et une vulve… Pour lui, ce n’est pas un problème de nommer les choses ainsi.

Faut-il se préparer à répondre à ces questions ? Et si oui, comment ?

C’est sans doute mieux d’y songer un peu avant, pour éviter d’être pris de court. On peut commencer par explorer la manière dont nos parents ont répondu à nos questions lorsque l’on était enfant. Pour certains, ça a été simple, pour d’autre, plus compliqué. Quelques parents ont sans doute botté en touche quand d’autres ont donné trop de détails… La première chose à faire à mon sens, c’est d’être conscient de ce qu’on ressent en tant que parent et, s’il y a de la gêne, de travailler un peu sur cette question. Sans pour autant se mettre la pression car les enfants sont surtout intéressés par la question biologique. Si on se sent bloqué, on peut s’entraîner à prononcer les mots clitoris, vulve ou testicule… Et se tourner vers les livres. De nombreux albums jeunesse permettent d’expliquer de manière assez claire comment on fait les enfants. Ceci dit, on peut se sentir prêt mais, lorsque la question arrive, se trouver désemparé… Il ne faut alors pas culpabiliser.

Faut-il s’étendre sur le sujet ou se contenter de répondre aux questions directes ?

Tout dépend de l’âge de l’enfant. Inutile d’entrer dans les détails avec les plus jeunes. Mais avec les plus grands, on peut en profiter pour aborder la question plus large de la sexualité. Parler du plaisir, du consentement, de l’acceptation du corps, de soi, de l’autre… C’est une manière également de faire de la prévention des agressions sexuelles potentielles. Répondre à ces interrogations naturelles est une manière de développer ce sentiment de sécurité qui autorise nos enfants à poser toutes leurs questions. Un enfant de trois ans n’a pas d’inhibition, il va poser plein de questions, qui peuvent paraître saugrenues ou inattendues. Un peu plus tard, filles ou garçons, pourront aussi nous poser des questions sur les règles. Il semble important de leur apprendre comment fonctionne leur propre corps mais aussi comment fonctionne le corps de l’autre. Bien sûr, il ne s’agit pas de dire à un enfant : si tu fais cela avec ton sexe, il va se passer ça. Mais il doit savoir que son sexe a différentes fonctions, et pas seulement celle de la reproduction. C’est pour ça que l’on peut assez vite parler aux enfants de la notion de plaisir liée à la sexualité.

A quel âge peut-on aborder cette notion de plaisir lié à l’acte sexuel et comment le faire… sans trop en dire ?

Assez tôt, car vers 10-12 ans, la curiosité naturelle peut laisser la place au dégoût. Un ado ou un pré-ado n’a pas envie d’imaginer ses parents faisant l’amour et il a d’autres vecteurs d’informations qui peuvent lui montrer la sexualité sous un autre angle. Il faut continuer à répondre aux questions bien sûr, mais elles seront sans doute beaucoup moins nombreuses. Il me semble important de dire aux enfants que la sexualité est une manifestation de tendresse, d’amour, que c’est une des choses qui fait qu’un couple est vivant… Sans le relier à la sexualité bien entendu, on peut aussi, dès le plus jeune âge, apprendre à nos enfants que le corps peut être un vecteur de bien-être, par les massages par exemple.

Quelques livres pour aborder la sexualité avec les enfants :

Pour les 3-6 ans :
Et dedans il y a, de Jeanne Ashbé, éditions Pastel
Balthazar et Comment sont faits les bébés ? , de Marie-Hélène Place et Caroline Fontaine-Riquier, aux éditions Hatier
Graine d’amour, de Pascal Teulade, éditions L’école des loisirs

Pour les 7 ans et plus :
C’est quoi l’amour ? – Le petit livre pour parler de l’amour et des amoureux, de Serge Hefez et Florence Lotthé-Glaser, aux éditions Bayard Jeunesse
L’Encyclo de la vie sexuelle, aux éditions Hachette (existe pour les 7-9 ans et les 10-13 ans)

Crédit photo : Johnny McClung