Décider de faire un enfant, c’est comme ouvrir une grande porte et découvrir un monde nouveau. On en parle jusqu’à ce que le projet prenne forme, on arrête la pilule, on retire le stérilet et on se lance dans la grande aventure de la conception avec le goal ultime : que ça marche, et assez vite s’il vous plaît ! Mais voilà, il arrive parfois que ça ne fonctionne pas aussi rapidement qu’on le souhaite. On en vient à ne pas comprendre son corps, son fonctionnement, ses mystères. Commence alors cette attente insupportable, qui tourne parfois à l’obsession. Rassurez-vous, vous n’êtes pas seule. Eudoxie, Caroline, Marion, Perrine et Zoé en témoignent. Chacune a vécu un parcours différent vers la maternité, mais toutes se sont posé les mêmes questions : est-ce que ça va marcher ? Est-ce que je suis prête ? Et si ça ne marche pas, on fait quoi ?
Que cette petite graine s’installe en un éclair, qu’elle mette plus d’un an à prendre place, qu’elle emprunte un mauvais chemin où qu’elle se stoppe net. Tous ces scénarios sont autant d’émotions qui peuvent chambouler un quotidien. Sans parler du fait que, quand ça prend du temps, ce projet peut devenir obsessionnel à tel point qu’on en oublie tout le positif autour de nous. Car on en a sacrément envie de ce bébé, et cette envie peut prendre pas mal de place. Alors, comment on gère tout ça ? Comment trouver cet équilibre entre y penser et continuer à vivre sa vie pleinement, sans que ça devienne un poids trop lourd à porter ?
Déjà, on peut se rassurer : nous sommes nombreuses à passer par cette étape de vie, celle où l’on se projette mère avant de l’être. Cette période où on est encore dans l’inconnu pour notre corps, mais notre tête, elle, a déjà tout imaginé.
« Assez vite, la peur est arrivée »
Pour Eudoxie, maman de Temoe (4 ans) et Tehei (2 ans), « c’était l’euphorie totale et en même temps une drôle de sensation, celle de se sentir, d’un coup, adulte. Assez vite, au fil des semaines, la peur est arrivée. On entend tout sur la maternité, de l’histoire bateau à l’histoire dramatique. Il y a la peur d’être stérile aussi. Et je ne parle pas de l’obsession ! Après chaque rapport, il fallait que ça marche. Finalement, on a décidé de lâcher prise et cinq mois après l’arrêt de ma pilule, je suis tombée enceinte. »
Pendant cette phase, on peut aussi se sentir seule. L’essai bébé, ce n’est pas un sujet qu’on aborde en pause déj’ avec sa collègue Martine, ni avec ses potes à la soirée crémaillère de David et Lola. Pourtant, les questions, les espoirs, les frustrations sont là, bien installés.Perrine, maman de Madeleine (5 ans) et de Jules (1 an), en parle : « on est passés par le parcours PMA et on a attendu 2 ans et demi pour avoir notre première fille. Au début, les gens te posent des questions, et puis ils arrêtent. Je pense qu’on est nombreuses à avoir vécu ce moment où, à un apéro, deux de tes copines annoncent qu’elles sont enceintes. Tu es heureuse pour elles, mais pour toi, ça ne marche pas. Alors tu ravales tes larmes et tu te dis : on continue. »
« On est à l’affût du moindre signe de grossesse »
On rentre aussi dans un autre univers temps. Un jour, il y a un petit espoir… Ah et puis non, les règles débarquent le lendemain. Puis, le test positif était finalement un faux positif. Et là, les semaines peuvent être longues, très longues. On pense que partir en vacances, déménager ou faire du yoga, ça va tout solutionner. Pour se donner plus de chances, on se lance parfois dans les tests d’ovulation (qui, au passage, peuvent vite nous ruiner), on recherche les meilleures astuces de grand-mères pour booster la fertilité de son couple, on change son alimentation. On est aussi à l’affût du moindre signe annonçant une probable grossesse.
Sur le plan psychologique, ça peut être intense, on peut traverser de vraies montagnes russes émotionnelles. Mais comme le dit Marion, maman d’Élise (1 an et demi), « vouloir un enfant, c’est comme la météo à ton mariage, ça ne se contrôle pas. Nous, au début, on était assez sereins et puis très vite, quand ça n’a pas marché le premier mois, on a commencé à être un peu déçus. Le deuxième mois, ça n’a pas fonctionné non plus. On s’est dit que ça allait être dur d’attendre en voyant que ça échoue. On est donc allés acheter des tests d’ovulation pour mieux connaître mon cycle. Il s’est avéré qu’il était très court, ce qui répondait à nos interrogations. »
Un désir profondément ancré
Ce désir de maternité, il peut être si profondément ancré qu’on n’imagine pas que ça ne puisse pas fonctionner. Pour certaines femmes, il remonte à l’enfance, lorsqu’elles berçaient déjà leur poupée. On entend même que ça vient dès la naissance.« J’ai toujours eu ce désir d’être mère mais j’ai attendu car je ne voulais pas avoir d’enfant trop jeune, sans une situation stable », raconte Zoé, maman d’Héloïse (10 ans), Justine (5 ans) et Théo (1 an). On s’interroge aussi sur son corps, sur l’aspect médical qui entoure une future grossesse. « Il y a cette peur de ne pas avoir ce fameux passeport qui te dit : c’est bon, tu peux y aller. J’avais aussi de la crainte sur mon corps, sur la gestion de la grossesse car tu entends des témoignages un peu partout, aussi bien dans ton entourage que dans les médias. J’avais cette inquiétude de porter la responsabilité du projet », complète Caroline, maman de Côme (2 ans).
Qu’on soit déjà maman ou en attente de l’être, une chose est sûre, il ne faut pas minimiser la communication avec son partenaire. « Décider de faire un enfant, ça peut mettre le couple à rude épreuve. Il faut être prêt à passer, peut-être, par l’attente et la déception. Même si notre première fille est arrivée rapidement, on s’était dit que ça pouvait être différent pour notre deuxième », témoigne Zoé. « On s’était beaucoup préparé à l’avance. On a discuté de plein de sujets qui auraient pu impacter notre couple. On voulait que ce projet soit rempli de bons moments et pas l’inverse », complète Marion.
Découvrir sa grossesse : le choc de la réalité
Et puis, il arrive parfois que l’essai bébé marche plus vite qu’on ne l’imaginait. La grossesse arrive, sans qu’on ait eu le temps de paniquer en se focalisant dessus. Cette surprise, elle aussi, demande un temps d’adaptation, comme pour Caroline : « j’ai tendance à être réaliste et un peu pessimiste. J’étais persuadée qu’il me faudrait au moins 6 mois entre l’arrêt de ma contraception et le moment où je tomberais enceinte. Et c’est arrivé si vite, 15 jours après avoir arrêté la pilule. J’avoue que j’ai pris un coup de massue. J’étais prête, mais je ne pensais pas que ça arriverait aussi rapidement. Les 6 mois que je pensais avoir pour me préparer, d’un coup, n’existaient plus. »
Idem pour Perrine, quand son deuxième enfant est arrivé : « j’avais plus de 37 ans et je m’étais dit que ça pouvait être long à nouveau. On a essayé naturellement et Jules est arrivé le premier mois. On était pas du tout préparés, c’était incroyable de connaître l’attente, l’ascenseur émotionnel pour Madeleine et la surprise totale pour Jules. On était heureux, mais c’était presque un choc que ça arrive aussi vite. »
Pour conclure sur le projet bébé, il faut se dire que c’est ok d’y penser, d’y penser beaucoup même. Il n’y a aucune culpabilité à penser et à dire qu’on a envie d’avoir un enfant. Il faut aussi se dire que la fertilité, ça ne concerne pas que la femme ou l’homme, ça se pense à deux, ça se fait à deux. Et, quand ça ne marche pas tout de suite et qu’on n’en est pas encore au stade de l’aide médicale, on peut essayer de comprendre comment son corps fonctionne, sans le blâmer.
Que vous soyez dans un projet bébé ou non, si vous vous interrogez sur votre corps, vos cycles, votre fertilité, vous pouvez aller faire un tour sur le compte @emancipees, animé en toute bienveillance par Laurène Sindicic, formée en observation du cycle, naturopathie et restauration de la fertilité. Son post sur le concept du « lâcher prise » est un bonheur à lire !
Camille Roger-Cosmao
Crédit photo :Tracey Hocking sur Unsplash