Pourquoi faire un projet de naissance ?

Pendant la grossesse, le suivi médical est millimétré : prises de sang, analyses d’urines, échographies, poids du bébé et de la maman sont contrôlés avec soin. Le dossier s’épaissit au fil des mois, et pourtant, pour la future maman, des tas de questions et d’inconnues demeurent quant à la réalité de son accouchement et de l’après. Choisir une préparation à la naissance, trouver une sage-femme de confiance, envisager les différentes façons d’accoucher, préparer son post-partum : investir sa grossesse pour devenir actrice de son accouchement est la fonction principale du projet de naissance. Un espace d’expression et de liberté dont toutes les futures mamans devraient s’emparer selon Lucie Guilbaud, gynécologue obstétricienne. Elle s’explique et nous donne quelques conseils pour formuler ce projet de naissance.

Qu’est-ce qu’un projet de naissance ?

Un projet de naissance est un document écrit dans lequel les futurs parents peuvent préciser leurs souhaits concernant l’accouchement et le post-partum. La rédaction de ce texte a un double bénéfice.

Premièrement, cela permet aux futurs parents d’anticiper l’accouchement, de se poser des questions précises quant à ce dernier, et leur laisse le temps de faire des recherches de leur côté s’ils le désirent. Forts de ces informations recueillies, ils seront plus à-même d’assumer leurs choix le jour J et d’être de réels acteurs de la naissance.

Par ailleurs, à l’époque où il est quasiment impossible d’avoir un suivi personnalisé et de connaître la sage-femme présente lors de l’accouchement, le projet de naissance offre une possibilité à l’équipe de mieux connaître le couple et d’appréhender leurs souhaits afin de les respecter au maximum.

Par qui est-t-il rédigé ?

Le projet de naissance peut être rédigé par la femme enceinte seule, mais je pense qu’il est plus intéressant de le rédiger avec le deuxième parent. En effet, la rédaction de ce projet permet de se poser des questions que l’on ne s’était pas forcément posées auparavant, de se projeter, et ceci peut s’avérer encore plus important pour la personne qui n’est pas enceinte. C’est un bon moyen d’impliquer le deuxième parent dans la grossesse, l’accouchement et le post-partum.

En général, il est rédigé en fin de grossesse, le mois qui précède l’accouchement, mais il est tout à fait possible de le rédiger, ou juste d’y réfléchir, dès le début de la grossesse.

À qui est destiné le projet de naissance ? À qui est-il transmis ?

Bien que le projet de naissance ait un grand intérêt pour le couple lui-même, je pense qu’il est important de le transmettre aux soignants de la maternité dans laquelle on va accoucher et, surtout, d’en discuter en amont avec la sage-femme ou l’obstétricien qui assure le suivi de grossesse. Toutes les maternités n’offrent pas les mêmes possibilités pour l’accouchement et le post-partum, et le projet de naissance est un outil précieux sur lequel on peut s’appuyer pour en discuter.

Lire aussi notre article : Comment choisir sa maternité ?

S’agit-il d’un document formel, administratif ou d’un écrit personnel ? Peut-il avoir une valeur légale ?

Il s’agit d’un écrit personnel qui peut être mis dans votre dossier obstétrical afin d’être disponible facilement et rapidement pour l’équipe qui va vous prendre en charge lors de votre accouchement. Il n’a pas de valeur légale particulière.

Pourquoi conseillez-vous à toutes vos patientes de mûrir et de formuler un projet de naissance ?

Je pense qu’il est essentiel que les femmes soient informées le mieux possible sur le déroulement de la grossesse, de l’accouchement et du post-partum. L’information est la clef pour permettre aux femmes de faire des choix en pleine conscience.

On observe qu’il est difficile aujourd’hui d’informer les femmes comme il serait souhaitable, et ce pour plusieurs raisons. Le manque de personnel et les locaux des maternités font que la durée de chaque consultation est réduite, ne laissant souvent la place qu’au côté technique, et peu, ou pas, à l’information et à l’émotion. Par ailleurs, chaque femme n’a pas forcément les mêmes connaissances initiales et l’information devrait être adaptée à chacune d’entre elles. Malheureusement, un suivi personnalisé du début de la grossesse au post-partum, qui permettrait l’établissement d’une relation de confiance et une meilleure appréhension des besoins des couples, est rarement possible.

Ainsi, nous nous trouvons dans une situation où l’information n’est pas donnée, ou partiellement, et de nombreuses femmes se retrouvent devant des situations inconnues, nouvelles, le jour de l’accouchement. Il est aisé de comprendre à quel point faire un choix dans ces moments-là est complexe, d’autant plus lorsqu’on se trouve devant un personnel soignant qui a les connaissances médicales et l’expérience nécessaire pour faire ce choix pour nous.

Réfléchir à un projet de naissance, et le rédiger en amont de l’accouchement, permet a minima de pallier à cette absence d’information, et favorise l’assurance et le sentiment de légitimité du couple face au personnel soignant. Cela permet également de diminuer les peurs liées au jour J en limitant le caractère inconnu des différentes interventions possibles. Discuter de son projet de naissance avec un soignant de la maternité permettra aussi à ce dernier de délivrer précisément l’information dont le couple a besoin, en répondant à ses questions.

À mon sens, le projet de naissance participe au fait de redevenir maîtresse de son accouchement. Les retours de mes patientes m’ont appris que les meilleurs souvenirs d’accouchement aux yeux des parents sont ceux pour lesquels l’équipe a été présente, soutenante et a entendu et respecté leurs souhaits, que l’accouchement ait été le plus naturel qui soit ou une césarienne en urgence. Je pense que le projet de naissance favorise le dialogue entre le couple et les soignants et par conséquent, un meilleur vécu de son accouchement.

Quand faut-il entamer cette réflexion selon vous ?

La réflexion autour du projet de naissance peut se faire dès le début de la grossesse. En effet, ce projet peut tout à fait englober une réflexion autour de la préparation à la naissance, en plus d’une réflexion autour de l’accouchement et du post-partum. Je dirais qu’il n’est jamais trop tôt pour réfléchir au suivi que l’on désire ainsi qu’aux conditions dans lesquelles on souhaite accoucher et accueillir son bébé.

Cependant, il est parfois difficile de se projeter dans cette réflexion quand on est encore dans les premières semaines de la grossesse, que le risque de fausse couche est loin d’être exceptionnel, et que l’on ne sent pas encore son bébé bouger. De plus, les choses peuvent être assez différentes pour une femme dont c’est le premier bébé et pour une femme qui a déjà vécu des accouchements et qui aura potentiellement des idées déjà très précises sur ses souhaits pour cette nouvelle grossesse.

Ainsi je dirais qu’il faut réfléchir au projet de naissance quand on se sent prête à se projeter dans le moment de l’accouchement et que le deuxième parent se sent prêt également.

Peut-on se faire aider pour le formuler ? 

Le projet de naissance est avant tout un écrit qui reflète les souhaits des futurs parents. Il n’existe pas de projet de naissance type et tous sont valables, que ce soit un paragraphe de 5 lignes ou un texte de 10 pages. Certains couples vont entrer dans les moindres détails (lumière tamisée, musique, etc.) quand d’autres se limiteront à un ou deux souhaits qui leur tiennent vraiment à cœur.

Cependant, il est tout à fait possible de se faire aider pour le formuler. Il est peu probable qu’une sage-femme ou un médecin ait le temps nécessaire de vous aider dans la phase initiale de la rédaction du projet mais il est assez simple de trouver des modèles sur internet. Je vous propose ci-dessous les grands axes qui peuvent constituer un projet de naissance, à modifier comme bon vous semble.

Peut-être qu’un conseil de rédaction serait de formuler des souhaits plus que des exigences. En effet, on ne sait jamais par avance comment va se passer un accouchement, et même si l’équipe met tout en œuvre pour que l’ensemble de vos souhaits soient respectés, il est possible que la sécurité de la mère ou celle du bébé nécessite de passer au plan B, qui peut parfois ne pas correspondre à ce que l’on avait imaginé.  Le projet de naissance doit plus être perçu comme un outil de dialogue entre le couple et l’équipe que comme une liste figée.

Que contient-il ?

Je vous propose ici une idée de plan pour appuyer votre réflexion et votre discussion avec l’équipe. Certains points ne peuvent être mis en place dans toutes les maternités mais il est toujours possible de poser la question. Il n’est pas nécessaire de traiter chaque point si vous n’en ressentez pas le besoin. Par ailleurs, il existe une idée préconçue que le projet de naissance ne s’adresse qu’aux femmes qui souhaitent un accouchement le plus naturel possible. En réalité, il n’existe pas de règle et un projet de naissance peut tout à fait correspondre à une demande de césarienne programmée. L’important est de transcrire votre vision des choses.

Commencer par une brève introduction pour expliquer pour quelle(s) raison(s) vous souhaitez rédiger un projet de naissance (antécédent d’accouchement difficile, impossibilité de rencontrer la sage-femme en amont, simple envie de faire part de vos désirs…)

Accueil à la maternité

  • Accompagnant (conjoint, amie, mère, doula ? sera présent pendant tout l’accouchement ? craintes particulières ?
  • Ambiance de la salle (désir d’amener votre propre lampe, musique, coussins, etc.)
  • Disponibilité d’une baignoire dans la maternité,
  • Disponibilité d’une salle « physio » (table d’accouchement différente, drapés suspendus…)

 Travail

  • Possibilité de boire (quelles boissons ?)
  • Informations quant à la préparation à la naissance que vous avez suivie (conventionnelle, haptonomie, sophrologie, chant prénatal, yoga, etc.) et au niveau de connaissances de votre accompagnant
  • Discussion autour de l’analgésie péridurale (souhait d’en bénéficier, souhaite éviter, péridurale ambulatoire)
  • Pose d’une perfusion ou d’un cathéter (permet de ne pas avoir la poche de la perfusion et le pied pour le tenir)
  • Monitoring (continu ou par intermittence)
  • Rupture artificielle de la poche des eaux
  • Utilisation de médicaments (ocytociques pour stimuler les contractions par exemple)
  • Fréquence des touchers vaginaux (peut varier selon les protocoles des maternités, la dilatation du col, vos antécédents et le déroulement de votre grossesse)
  • Nombre de soignants présents (peut varier selon le caractère universitaire ou non de l’établissement)

Accouchement

  • Personnes présentes dans la salle
  • Position désirée
  • Gestion de la phase de poussée
  • Clampage du cordon (après une minute, à l’arrêt des battements…), faire savoir si votre accompagnant souhaite couper le cordon
  • Discussion autour de l’expulsion du placenta (utilisation de médicaments, durée acceptée avant une intervention médicale, souhait de voir le placenta)
  • Discussion autour des déchirures périnéales et des indications d’épisiotomie
  • Discussion autour des indications d’accouchement par forceps, spatules, ou ventouse
  • Discussion autour des indications de césariennes en urgence (stagnation de la dilatation du col, anomalies du rythme cardiaque fœtal) et du déroulement des césariennes en urgence (où se trouve le bloc opératoire ? est-ce que votre accompagnant peut être à vos côtés ? possibilité de peau à peau du bébé avec le deuxième parent ?)
  • Durée de surveillance en salle de naissance après l’accouchement, et avant d’être installés en suites de couches

Accueil du bébé

Suites de couches

  • Lit pour le deuxième parent
  • Allaitement maternel, au biberon, ou mixte (souhait de tirer votre lait s’il ne peut pas téter ?)

Enfin, je pense qu’il peut être utile de rappeler que vous êtes consciente du fait que les choses peuvent ne pas se passer comme prévu et que vous l’acceptez. Rappelez à l’équipe que vous lui faites confiance en fin de projet de naissance peut faciliter encore plus le dialogue et le respect de vos choix.

Comment faire en sorte que le projet de naissance ne reste pas juste un bout de papier dans le dossier d’une sage-femme ? Peut-il arriver jusqu’à la salle de naissance ou est-ce à nous de l’apporter ?

À mon sens, l’idéal est de discuter et débriefer son projet de naissance avec une personne qui appartient à l’équipe de la maternité. Ceci permet de savoir exactement ce qui est possible  dans la maternité où l’on va accoucher et de poser les questions à une personne informée, qui a le temps de répondre. Il n’est pas rare que les évènements se passent trop rapidement au moment de l’accouchement pour que l’information donnée par les soignants soit à la hauteur de l’attente des couples. Se poser 4 à 5 semaines avant l’accouchement avec une sage-femme ou un obstétricien de la maternité permet d’obtenir une information vraiment éclairée et complète sur les protocoles utilisés.

Je pense qu’une solution pour que le projet de naissance soit considéré par l’équipe soignante est qu’il soit annoté par le soignant qui aura débriefé avec la patiente, par exemple, en précisant qu’elle ou il a expliqué au couple ce qui était possible ou pas dans la maternité. Ensuite, il est assez simple de l’agrafer sur la première page pour qu’il soit bien visible le jour de l’accouchement. Peut-être qu’un jour, ce projet de naissance sera passé dans les mœurs et il existera des pages dédiées dans les dossiers obstétricaux !

Y-a-t-il des maternités/structures qui prennent plus en considérations que d’autres ce projet ?

Je pense que la prise en considération du projet de naissance est plus dépendante de la personne qui s’occupera de vous que de l’établissement.

En revanche, il est certain que les accouchements en maisons de naissance ou en plateau technique permettent un suivi personnalisé du début de la grossesse jusqu’au post-partum, ce qui n’est pas le cas des grandes maternités publiques où vous pouvez être amenée à voir plusieurs intervenants au cours de votre suivi, de votre accouchement et dans le post-partum.

Les maternités privées proposent également un suivi personnalisé par un gynécologue obstétricien. Dans ce cas, vous serez accompagnée par une sage-femme et votre gynécologue sera présent pour la fin du travail et l’accouchement.

Peut-on me refuser des choses écrites sur mon projet de naissance ?

Le projet de naissance doit être utilisé comme un outil de dialogue et d’investigation des possibilités qu’offre la maternité dans laquelle vous allez accoucher.

Certaines demandes ne peuvent malheureusement pas être comblées, soit pour des raisons de sécurité de la mère et du bébé, soit par manque de moyens.

Par exemple, la position lors de l’accouchement dépend de l’analgésie utilisée. En cas d’analgésie péridurale conventionnelle, la position accroupie est rendue impossible. De la même manière, pouvoir marcher tout en bénéficiant d’une analgésie péridurale n’est pas toujours possible puisque cela implique qu’une péridurale dite « ambulatoire » soit réalisable dans la maternité.  Une autre situation classique est que le deuxième parent peut être autorisé à assister à une césarienne mais se voir refuser l’accès au bloc opératoire s’il existe une extrême urgence nécessitant une anesthésie générale de la mère.

Quoi qu’il en soit, il me paraît toujours intéressant de poser toutes les questions que vous souhaitez afin de comprendre les décisions de l’équipe et d’avoir toute confiance en cette dernière pour vous accompagner.

À votre avis, l’hôpital et l’ensemble du monde médical sont-ils prêts à faire évoluer leurs pratiques pour être plus à l’écoute des femmes et de leur projet de naissance ?

C’est un changement des pratiques initié par les femmes. Je suis persuadée que les femmes et les couples font évoluer les pratiques et les soignants. Plus nombreuses seront les femmes qui proposeront un projet de naissance aux équipes et plus ce dernier sera perçu comme quelque chose de normal. J’aime cette idée que le respect du choix des femmes devienne la normalité et une nécessité recherchée par tous les soignants.

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Retrouvez notre épisode de podcast avec Lucie Guilbaud : 
Mères, hors-série : Est-on libre d’accoucher comme on veut ?

Crédit photo : Belly Balloon Photography / Les Louves